jeudi 12 juillet 2007

Rêve du noyé : rêve et interprétation, association libre, sens sexuel, noyade et sauvetage.

17/03/04


Je me promène près d’une rivière. Une amie pêche au lancer, avec une canne, tandis que ma femme essaie d’attraper des poissons avec un simple fil et un ameçon, après le passage d’un bateau de touristes, nous sommes sur un pont, il y a d’autres détails obscurs fort gênant de désir et d’infidélité, comme si quelqu’un se cachait derrière la figure de cette femme au lancer précis, mais infécond.


Je vois soudain des mains sous l’eau, qui remontent, le cadavre d’un homme, habillé d’un imperméable, les quelques personnes présentes constatent avec nous qu’il bouge encore ; je cours le long du pont qui curieusement est parallèle à la rivière, le courant est fort, ces détails me faisant penser que c’est sans doute à Paris que cela se joue, parce qu’il n’y a pas cela dans mon village, ni dans ma ville d’origine. Je cours en appelant les gens assis au long du quai, qui n’ont pas trop envie de se mouiller, quant à moi ce serait plutôt, il semble, que j’ai aussi peur de sauter, (ma foi). Puis je saute après avoir couru, et sans me mouiller je ramène à terre une effigie en bois ciré de la personne qui flottait, dans laquelle j’ai d’ailleurs cru reconnaître un ami, tandis que plus loin en amont, plusieurs personnes repêchent le noyé de sa tentation, et lui font évidemment la morale, il ne savait pas qu’ils l’aimaient, et eux ne savaient pas que sa vie se jouait.


Je me réveille alors à l’idée que la psychanalyse ne saurait être à la fois sauvée in effigie ou in absentia, comme le noyé l’est dans le rêve, mais par d’autres que moi. (Il faut excuser l’ambigüité de cette dernière phrase, qui me laisse également un sens assez mystérieux).


Je laisse ce rêve aux pharaons qui sauront bien l’interpréter sans mes associations libres , si la psychanalyse n’est pas une histoire sans qu’il y ait rien de sexuel. La personne à qui ressemble le noyé de ce rêve est un psychologue qui a été en analyse, qui y est peut-être encore mais a toujours prétendu qu’il ne servait à rien pour un psychologue de se dire analyste, pour cause de concurrence médicale, et que se dire analyste sans être psychologue ni médecin était une gageure quand il s’agit de remplir la marmite et de ne pas perdre son temps en attendant que le téléphone sonne. Position qui laisse fort peu de place à la laïcité.


C’est sa figure qui s’est jetée à l’eau pour se noyer, et que je laisse à d’autres, par manque de discernement, le soin de repêcher pour n’en tirer de l’eau que l’effigie ; mais ces autres ne sont-ils pas justement ceux qui sont responsables de sa noyade ? La cause / de la noyade. Je laisse ce rêve aussi à quelqu’un que j’ai vu avant la réunion du « manifeste pour la psychanalyse » au CMME dimanche, qui n’a rien d’un pharaon, ce serait plutôt à son honneur, pour ce qu’elle me disait de laisser ceux qui se trompent (à notre avis partagé) se noyer (ou s’enfoncer) plutôt que leur porter la contradiction. Il y a un détail plus refoulé qui me revient, c’est qu’à un moment le noyé, que j’interpelle, se retourne et je lui fais signe de tousser, ce qui lui permet de respirer à nouveau, c’est à dire que je ne le sauve qu’à moitié en le réveillant, et à lui de savoir nager engoncé dans son imperméable trempé.


C’est que j’ai fait ce rêve après avoir entendu les différents intervenants en gardant bouche close, pour simplement remercier Jack Ralite d’être venu, lui qui nous a rappelé que nous avons des rêves : alors pourquoi ne pas les utiliser pour faire de la politique.


Entre politique de la psychanalyse, et psychanalyse de la politique, il y a plus d’un renversement. Les politiques de la psychanalyse se sont jetés à l’eau, mouillés, certes, mais n’ont-ils pas noyé les baigneurs qu’ils sont d’une geste suicidaire, avec le caractère de demande d’amour que l’on peut supposer à ce geste, en attendant qu’ils nous le confirment, en se jetant tout habillés de leurs habilitations imperméables qui ne servent plus à rien une fois immergés dans ce fort courant politique qui ne va que dans un sens et dans lequel ils n’ont aucun réflexe natatoire salvateur. Et peut être pas envie de se baigner.


Ceux qui sont assis au bord de l’eau, sur le quai, regardent peut-être avec une certaine indifférence passer le corps de leur ennemi. Les femmes qui m’accompagnent dans ce rêve savent que le passage des bateaux fait remonter les poissons, même si ce n’est pas ce genre de poisson qu’elles pêchent, celui qui remonte à la surface en tendant les mains vers la lumière. Je reconnais au passage l’intelligence des mains qui cherchent à attraper l’air qui manque au respir d’un corps qui se trompe de milieu. Aquatique le psychanalyste ? Je ne sais. Je ne repêche qu’une effigie, tandis que le vrai corps est remonté, palpé et sermonné un peu plus loin, par d’autres. Image qui préfigure sans doute le travail des commissions d’habilitation… et des bureaux de recommandation des habitus de la nouvelle pensance ; (rien que ce mot!). Et ce désir contrarié de l’intérieur, de sauver la psychanalyse de la noyade, qui ne sauve qu’une apparence… Si tout le monde se jette à l’eau pour mettre au sec le représentant de la représentation, quel barbotage, -l’on va s’éclabousser mutuellement.


Freud n’a pas reculé à livrer les énoncés de ses rêves avec quelques unes de ses associations ; il s’agissait de donner des exemples crédibles de l’application de sa méthode à des productions de la vie psychique. Il se trouve que la situation de la psychanalyse aujourd’hui vient infiltrer des pensées de ce rêve, peut-être cela signifie-t-il qu’elle est plus préoccupante que ma faible implication jusqu’à présent ne pouvait me le laisser croire. Le rêve m’indique à quoi conduit ce que je fais : sauver l’effigie du psychanalyste, en tentant de tirer de l’eau ce qui s’y noie, et n’est pas perdu pour autant. Certes les enseignements de Freud et de Lacan sont dans la ligne de mire des amendements, mais après tout ce ne sont que des restes de présence, moins important que les vivants qui les portent, et dont il faut sauvegarder l’activité qui est l’expression de leur subjectivité, elle amendable de ses failles. Freud écrivait, en conclusion d’un texte sur l’efficacité thérapeutique de la psychanalyse si mon souvenir est bon, « la vie ne vaut peut-être pas grand’chose, mais c’est tout ce que nous avons ». Je me permets le pastiche, quoiqu’il amoindrisse sa sidérante lucidité : les psychanalystes ne valent peut-être pas grand’chose, mais ce sont les seuls que nous avons.


D. Kuntz


...resté sans réponse, sans com', sans dec'?
Et avec mes remerciements à Laurent Le Vaguerèse pour la première publication, (cliquez sur le titre! ou ici!)

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