Encore plus : séminaire Encore, Ecole Freudienne de Paris, du nouage entre psychanalystes.
Encore du colloque.
Ce n’est pas la déception que j’y ai trouvée, à ce colloque. Je dirai plutôt, j’essayerai de le faire savoir, qu’elle a été la grande absente à ce rendez-vous pas du tout manqué. Je soutiendrai que c’est la déception qui a manqué à cette rencontre, pour être à la hauteur de nos espoirs.
Il est vrai que j’ai été plutôt verni ; je ne voulais pas venir, pour des raisons que je me représentais comme de distance ; j’ai évidemment subi d’autres colloques avec d’autres espoirs qui ont été régulièrement déçus, dans la mesure où non seulement j’en étais reparti sans y avoir appris quoi que ce soit, mais chagriné par l’ambiance épaisse et confinée de rapports sociaux établis et inamovibles ; j’avais un préjugé acquis, sévère, désespérant.
Par rapport à quoi, heureuse surprise, s’est enfin matérialisé à mes sens qu’il restait quelque chose d’absolument vivant de ce qui a eu lieu avec, par et au travers du, des séminaires de Jacques Lacan, des séminaires en tant qu’ils font partie intégrante et indissociable, je dirai même plus, indissoluble de son travail de psychanalyste. J’ai trouvé, ce qui ne pouvait sembler sans doute à la plupart des personnes présentes que retrouvaille amortie, alanguie, que le nœud qui réunissait ceux qui ont été membres de l’école freudienne de Paris, n’avait pas été défait par la dissolution de celle-ci voulue par Lacan, et que la persistance de ce lien après et avec la dissémination fait la preuve de la robustesse de l’institution de la passe comme institution d’un lien, d’un nouage entre les psychanalystes au-delà des institutions qu’ils se donnent par écrit, pour s’inscrire dans le social, pour s’écoller, pour travailler ensemble. Je le dis, je le constate, j’en assume le paradoxe. Peut-être y verrez-vous une fantasmagorie, un désir d’une école disparue ? Ce dont je me suis aperçu au contraire, c’est que la succession de l’ex-EFP a été prise par un certain nombre d’écoles dont il me paraît vain de faire la liste, qu’il me paraît vain de chercher à dénombrer, parce que la liste ne peut se clore, parce que leur labilité est l’une des meilleures garanties de persistance de psychanalyses.
Dans cette perspective, ce que j’ai entendu me conduit à rapporter qu’aucune des positions énoncées par les différents intervenants ne marque la moindre tentative de mainmise ou de hiérarchisation d’école sur « la » psychanalyse, ou des écoles entres elles. J’ai constaté, c’est une heureuse surprise, une attention et une tolérance aux énoncés d’autrui chez tous. Une attention et une tolérance d’ailleurs sans la moindre nuance niaiseuse, puisqu’il y a eu un peu de houle pour bien marquer les divergences, des bousculades de provocations qui pourraient chagriner si l’on oubliait qu’il s’agit là de propos échangés entre des personnes qui s’entendent assez pour pouvoir se parler sans détours, et destinés à la cantonade (à laquelle s’adressait Lacan ?) pour y rappeler que le psychanalyste n’est pas en sucre.
Si j’ai quelque chose à retracer, c’est que ce colloque a été un témoignage porté par ceux qui ont parlé de la ou des positions où ils ont été menés du fait de leur passage chez Jacques Lacan. Je suis absolument ravi de n’y avoir pas entendu la moindre bigoterie lacanienne. (note du 18/07/07: en vlà une!). Cela marque que le travail de transcription, pour sérieux qu’il soit, ne constitue pas plus d’église que de chapelles.
J’avais idée, il y a quelque temps, que le travail de transcriptions, en tant que travail à faire ou ne pas faire, était un domaine réservé à ceux qui avaient été aux séminaires, tel un legs à dissiper ou à transmettre. Tout du moins, comme il apparaît clairement que le texte du séminaire n’existe pas en tant qu’écrit par Lacan, et que pour des raisons de légalité comme de légitimité il ne peut en venir à exister que co-écrit, il ne me paraît pas moins limpide qu’il convient de distinguer le travail de transcription auquel chacun peut s’essayer, du travail d’établissement d’une rédaction à diffuser, à éditer, qui met en jeu le principe de référence à la loi, mais renvoie aussi par un certain biais je crois, à la question de l’arbitraire du signe. Pas la peine que j’en dise plus là-dessus, j’accepte bien le sarcasme sur la transgression, que je trouve plein de drôlerie distinguée, d’autant qu’il fait la part des choses entre la transcription/lecture/interprétation qui s’effectue un peu partout, (dans tous ses errata), et les diffusions « micrologiques » qui non seulement risqueraient de ne pas trouver preneurs, mais éloignent les écoles des questions macrologiques qui se tendent vers elles, et qu’elles négligent, dédaignent, et confondent avec des questions sociologiques pour des raisons dont René Lew nous a donné un aperçu.
Peut-être vais-je choquer si je dis que la position de Jacques-Alain Miller de ne pas dévoiler d’avance quel séminaire il projette de mettre en chantier pour la suite, ne m’étonne pas plus qu’elle ne me chagrine : j’y vois une position qui relève de l’association libre, dans toutes les dimensions qu’on veuille bien donner ici à ce terme. Si je dis que j’y vois une position éthique, l’on me sifflera le contre-argument que l’éthique consisterait à avoir déjà donné tout tout de suite, dans le bon ordre sur lequel on peut consensualiser, et je répondrai que c’est faire beau jeu du droit, irai-je jusqu’à dire celui qui consiste à prendre place de témoin sur la scène primitive, en espérant que les sifflements s’accordent pour produire une harmonie perdue. Je dis juste qu’il n’y a pas à désespérer de l’établissement des séminaires, un par un, et à espérer qu’ils seront lus comme ils n’ont pas été entendus.
Les jeunes : depuis vingt-cinq ans, je constate régulièrement que je suis l’un des plus jeunes à ce genre d’occasions. Je ne sais pas si les «jeunes» se régulent de trop près sur le principe d’abstinence freudien, s’ils sont trop ou pas assez charriés de et par Lacan. Cela n’a rien d’insultant de dire qu’il y a une vulgate lacanoïde qui se propage, simplificatrice, dogmatique, alexique. La micrologie est effectivement un outil de réparation des ravages de cette vulgate, mais ne suffit peut-être pas à en éteindre la cause, et il semblerait que le mal se propage plus vite que le remède, d’autant que celui-ci a un effet de sélection plus que de réduction du trouble aphasique en question. L’édition populaire des séminaires n’y portera remède que si la micrologie s’emploie à en disséminer la partition plutôt que la lettre : je ne crois pas à une version d’un retour à la lettre, je penche plutôt vers un maniement de la lettre comme lettre volée, à condition que l’on admette qu’il y ait incertitude de principe sur l’identité de qui la détient, pourvu qu’on ne soit pas sans s’en délester au plus vite…
Alors je trouve que ce colloque laisse quelqu’espoir que la psychanalyse perdure avec ses alea de transmission que cache la forêt de transcriptions. Il y a eu des dialogues qui ont repris après quelques points de suspensions. C’est cela qui s’est passé, à ce colloque, non pas une ébauche, ou une reprise, mais un témoignage de ces dialogues auxquels les psychanalyses préparent : il ne tient qu’à ceux qui y sont intéressés de les poursuivre, de sorte qu’à la prochaine occasion, il soit à nouveau plus enviable d’être présent dans la salle qu’à parler du podium pour donner à entendre.
Bien cordialement à toutes et à tous, avec ma gratitude envers les colloqueurs et bien des colloqué(e)s.
D.K.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire