mercredi 28 novembre 2007

la poésie urbaine vous la fait au culot

20071128 CAMPAGNE DEPRESSION INPES : 6- la subjectivité, elle a un grain...

piqué sur oedipe - avec mes remerciements à Gross:

Morandini: Avant l'abattement, avant la déprime, il y a d'abord la rage et on a eu un reportage de X. dans le métro parisien. On sent que les gens sont de plus en plus agressifs. Comment on se calme?

Catherine M.: Alors. On peut peut-être juste dire un mot... Pourquoi certaines personnes sont plus exposées que d'autres dans ce genre de comportement? Alors, on sait assez bien maintenant ce que c'est le PTSD, vous savez le fameux symptôme post-traumatique qui est plus ou moins bien vécu selon votre histoire personnelle. Si vous avez subi des choses graves quand vous êtes jeune bien entendu la maltraitance ou les abus sexuels mais aussi les hospitalisations longues, vous avez grandi avec une image très blessée de vous même donc vous êtes beaucoup plus fragilisé à n'importe quel autre traumatisme. Si vous voulez on peut dire que quelqu'un qui a un symptôme traumatisme (sic) c'est quelqu'un dont le compteur de traumatismes est déjà plein et vous pouvez plus en mettre aucun. Donc les grèves peuvent un peu fonctionner comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase par rapport à des gens qui vont avoir des crises de colère ce que nous analystes on va appeler le retour du refoulé. D'un coup, ils vont attraper quelqu'un qui ne leur aura rien fait parce que il attend à côté de lui mais ils vont se mettre à se fâcher...
_________


Je précise pour ceux qui ne le savent pas que Catherine M est présentée dans cette émission comme psychanalyste. Or qu'apprends-je: il y a un compteur de traumatisme; les grèves sont des gouttes d'eau qui déclenchent des crises agressives chez les gens qui ont connu des traumatismes de jeunesse comme la maltraitance et les abus sexuels; eh bien il doit y en avoir un paquet; cela nous procure des retours de refoulé agressifs; mais, apprends-je, cela c'est la rage avant la déprime; donc, dois-je penser, (le petit Zwang), la déprime, qui vient après la rage, est le fait des gens qui ont été sexuellement abusés et ont subi de la maltraitance; dont le compteur à traumatisme a éclaté sous la pression des grèves; dont le compteur à métaphore est ramollo et raplapla; dont le pilulier est écrasé par la culpabilité.

Bon oui, vu comme ça, la psychanalyse, c'est le canon à orgone; je ne me demande plus vraiment pourquoi mon standart téléphonique intérieur n'a pas explosé sous la pression des raisins de la colère; répétez vint-six fois qu'est-ce qu'on m'en a mis quand j'étais minot, ça vous positive le mental après trente six mea culpa; le Zwang fait qu'on compte le traumatisme pour pas rien; et le plus drôle c'est qu'avec ces moulinets à paroles il faudrait calmer sa componction pour ne pas qu'elle ait des sautes d'humeur! Et bien je vous en fiche mon billet, docteur, ta subjectivité, elle a un grain.

dimanche 18 novembre 2007

du semblant

Le Séminaire – Livre XVIII - D’un discours qui ne serait pas du semblant - Jacques LACAN

Jacques Lacan et Jacques-Alain Miller, D'un discours qui ne serait pas du semblant.

Une magnifique illustration en première de couverture, un portrait de l'empereur de Chine Kangxi, représenté, par des artistes anonymes de la cour, en scribe ou dessinateur assis à sa table précieuse, comment ne pas y voir à la fois une représentation ou Jacques-Alain Miller nous donne ironiquement à voir comment, dans ce travail de transcripteur-co-auteur, il se donne image à lui même, comment ne pas être sensible au clin d'oeil qu'il fait à tous les autres transcripteurs qui ont travaillé à décrypter une expression subtile et équivoque, si l'on veut bien se pencher davantage sur le document qui repose sur cette table, et s'apercevoir qu'il s'agit sans aucun doute d'une carte géographique, qui nous induit à revoir l'empereur préparer, pinceau à la main, un plan de campagne? Ne faudrait-il pas y voir un rappel au sérieux de la chose analytique, dans son insertion à la réalité sociale, celle des autres, et non pas seulement celle de l'entre-soi du lien social des sociétés analytiques, et ce au moment même où il semble que les psychanalystes n'aient plus guère à compter que sur eux-mêmes, pour ce qui concerne la représentation de leur présence ailleurs que dans l'imaginaire phobique qui se construit à leur endroit?


C'est alors qu'on lira ce titre, « D'un discours qui ne serait pas du semblant », comme une provocation à ne pas laisser les inscriptions de la psychanalyse être effacées par les fracas des propagandes sanitaires qui visent à renforcer l'emprise d'un système de soin inscrit dans une idéologie ultra-consumériste, ne laissant d'être au sujet que ce qu'il a d'utilitaire sur le marché du travail. Comment sortir de cette bécane bruyante et chaotique qui veut nous convaincre que l'universel suppose la destruction du particulier?


Et puis, cette quatrième de couverture(1), absolument magnifique, aguichante, mettant en quelques mots l'imaginaire à sa place, du côté de l'éthologique, définissant les semblants comme des signifiants imaginaires, et l'enjeu comme étant d'y trouver matière à science, en les distinguant bien du réel de la jouissance, qu'ils voilent et présentifient à la fois, d'emblée incite à une relecture de ce séminaire XVIII, qui, dois-je l'avouer, est l'un de mes préférés, pour sa concision dans le dit, sa tension vers le trait épuré, la simplicité dans le dire. Et à vrai dire j'envie les lecteurs pour lesquels cette version authentique de ce séminaire, puisque c'est bien ainsi qu'elle se situe au regard de l'histoire, sera la première qu'ils tiendront, pour le raffinement qu'elle leur présente, d'une psychanalyse freudienne enfin débarrassée de ses mythologies.


Eloge, ne taris point! A force d'y lire, on finira par y entendre! Encore un manuel anti dépression (2)!


DK


notes et liens url:

sous-titre: http://720plan.ovh.net/~causefre/peel/achat/produit_details.php?id=229

(1):
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.causefreudienne.net/site/wp-content/themes/vero-2007/images/titre_publications.gif&imgrefurl=http://www.causefreudienne.net/publications/actualites/&h=350&w=130&sz=2&hl=fr&start=1&sig2=TUXG_ufvf1BAAvfC1D-4aA&um=1&tbnid=-uii2jSBrbHAAM:&tbnh=120&tbnw=45&ei=6NM_R4edF4yewwGa99TUCA&prev=/images%3Fq%3DJacques%2BLacan%2Bet%2BJacques-Alain%2BMiller,%2BD%2527un%2Bdiscours%2Bqui%2Bne%2Bserait%2Bpas%2Bdu%2Bsemblant.%26svnum%3D10%26um%3D1%26hl%3Dfr%26client%3Dfirefox-a%26rls%3Dorg.mozilla:fr:official%26sa%3DN

(2): http://www.hydra.umn.edu/lacan/vid/ et aussi

http://www.evene.fr/livres/livre/jacques-lacan-television-3871.php

vendredi 16 novembre 2007

tag palois

20071009 CAMPAGNE DEPRESSION INPES : PSYCHANALYSE DE L'INPES

Le traitement de masse de la dépression bat la campagne; communication de la dépression

10. Psychanalyse de l'INPES.



Je projetais hier d'écrire quelque chose sous ce titre, "psychanalyse de l'INPES"; je le ferai peut-être ultérieurement: entretemps j'ai eu entre les mains le numéro 7 du Nouvel Ane, absolument indispensable, arrachez-vous les derniers exemplaire.
Il est évident que j'ai été coiffé au poteau par Jacques-Alain Miller, qui dans un morceau d'anthologie intitulé "Propagande massive pour dépister la dépression: la France rattrape son retard", en fait, pages 17 et 18, (voir un cas clinique, un second cas clinique), une analyse incontournable et d'une rigueur implacable. Voilà ce que les médecins devraient connaître avant de se fier à l'INPES; je le cite :

"[... ] il serait d'intérêt public que l'Institut national de prévention fût promptement réformé dans ses pratiques, son style et sa personnalité institutionnelle. La manière dont la campagne a été préparée, dont elle a été présentée aux associations, en tous les cas à l'Ecole de la Cause Freudienne, et dont enfin elle a été lancée, dans la certitude de provoquer une réaction antagonique déterminée (la nôtre) est empreinte d'une telle ineptie qu'elle ne saurait s'interpréter que d'une seule façon : c'est l'appel au secours d'une institution qui est à bout et qui demande à en finir, à en finir avec sa souffrance. Bref, c'est une tentative de suicide."
(Jacques-Alain Miller, Le Nouvel Ane n° 7, Octobre 2007)

« ...Quand j'ai dit, comme ça, l'autre jour, que 1a science n'est rien d'autre qu'un fantasme, qu'un noyau fantasmatique, je suis, certes, mais au sens de « suivre » et, contrairement à ce que quelqu'un comme ça dans un article a espéré [voir leçon du 15 novembre ρ. 12 article de J. Β. Pontalis dans Le Monde], je pense que je serai suivi sur ce terrain. Ça me semble évident.

La science est une futilité qui n'a de poids dans 1a vie d'aucun, bien qu'elle ait des effets, la télévision par exemple. Mais ses effets ne tiennent à rien qu'au fantasme qui, écrirai-je comme ça, qui hycroit. La science est liée à ce qu'on appelle spécialement pulsion de mort. C'est un fait que 1a vie continue. grâce au fait de 1a reproduction liée au fantasme. Voilà. (...)



séminaire « le moment de conclure »

Lacan, le 20 décembre 1977




lundi 12 novembre 2007

brouillement

Le traitement de masse de la depression bat la campagne, et fait l'economie de l'ethique; communication de la depression, 4

« Le Monde », 16/10/07

[http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3238,36-967538,0.html]


« Deux années de discussions auront été nécessaires pour aboutir au lancement, mardi 9 octobre, par le ministère de la santé et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), d'une première campagne nationale "La dépression : en savoir plus pour en sortir". Ce dispositif d'information (guide, site Internet, spots radio et télé) intervient alors même que les décrets d'application réglementant l'usage du titre de psychothérapeute n'ont toujours pas abouti. Et qu'il n'est pas question, "dans un contexte de déficit de la Sécurité sociale", a justifié Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de prendre en charge l'accès à un psychologue. »


(souligné par DK)


On peut retenir également de ce passage, la phrase qui précède celle soulignée: « Ce dispositif d'information (guide, site Internet, spots radio et télé) intervient alors même que les décrets d'application réglementant l'usage du titre de psychothérapeute n'ont toujours pas abouti ».


Donc:


  1. durant deux ans, le ministère de la Santé et l'INPES, dans un contexte qui ne justifie certainement pas que les psychanalystes restent ignorés, discutent de mesures à prendre relatives à quelque chose qu'ils nomment « dépression »;

  2. le « déficit de la sécurité sociale » chasse hors de portée la prise en charge non pas la consultation d'un psychologue, mais « l'accès à » un psychologue.


L'on comprend mieux que la campagne concoctée par l'INPES exprime contre tout examen raisonné des faits la conviction que « la dépression » soit « une maladie ». Et ne promeuve pas, par conséquent, « l'accès à » un psychologue.


On pouvait lire, dans le Figaro du 6/11/07, ceci:

« L’Inspection générale des affaires sociales estime que les informations délivrées aux médecins sur les médicaments au cours des visites médicales sont trop souvent biaisées.

Le ministère de la Santé, après quelques tergiversations, a fini par rendre public le rapport de l’Inspection générale des affaires so­ciales (Igas) sur l’information des médecins généralistes sur le médicament. C’est surtout la visite médicale qui est le «cœur de cible» de ce rapport.

Quelques chiffres donnent la mesure du poids stratégique de ce secteur : l’industrie dépense chaque année 25 000 euros par médecin généraliste, soit l’équivalent de 39 % du revenu libéral moyen net d’un généraliste (64 000 euros) «pour apporter des informations » aux mé­decins. Un petit calcul des quatre inspecteurs de l’Igas montre que sur la base d’une consultation à 22 euros et de quatre consultations par heure, les sommes consacrées à la visite médicale sont l’équivalent pour le médecin de 285 heures d’activité ! Or, ce «mode d’information médicale fait obstacle au développement de démarches plus exigeantes de recherche d’information par les médecins».

[http://www.lefigaro.fr/sante/2007/11/06/01004-20071106ARTFIG00001-les-visiteurs-medicaux-epingles-par-ligas-.php]


Il apparaît par le biais de cet article qu'il est plus simple d'utiliser l'aliénation quoi qu'il en soit de son coût, pour figer l'ordre social, que d'alléger son poids. S'aliéner les psychanalystes? Le Ministère vous a de ses exigences!


DK



mercredi 7 novembre 2007

où est la tête?

Deux adresses....

Il est possible aujourd'hui d'avoir une certaine idée de ce que des psychanalystes,

http://forumpsy.blogspot.com/

pensent de ceci,

http://www.info-depression.fr/dist/_doc/DEPRESSION_LIVRET.pdf

qui fait campagne contre les lumières...

A méditer: à asseoir la médecine dans la vulgarité, l'on induit des pathologies lourdes; et si l'on formait les médecins à la psychanalyse, pour les tirer de la confusion mentale où la vulgarisation veut les plonger?

DK

lundi 5 novembre 2007

vérité au-delà des Pyrénées.....

Le traitement de masse de la depression bat la campagne; communication de la depression, 3 - Abdication de la subjectivite


« Prendre en charge le paradoxe des lumières nous conduit a repérer de quelle façon il retentit au sein de la transmission de la psychanalyse. D'un côté, la psychanalyse, en tant qu'elle mène un combat contre la censure sociale, demeure d'une certaine façon, sous la bannière de nos encyclopédistes. Nous pouvons même dire que ce combat, voulu par un Freud dans sa référence à l'Aufklärung, est apparemment victorieux du fait de la progressive levée en masse du refoulement social. Si, de cette victoire, s'avérant par le bouleversement des mœurs, par une libération sexuelle tous azimuts, j'ai dit qu'elle était « apparente » c'est pour la raison suivante : s'il y a une libération des mœurs, dont nous devons nous féliciter, que devons-nous penser du fait que parallèlement à cette libération des pulsions nous constations, dans notre expérience de la cure, que ces sujets nouvellement libérés quant à leur jouissance, s'avèrent si souvent en panne envers ce qu'il en est de leur rapport à la parole ? Tout ne se passe-t-il pas comme si les brèches faites dans la censure sociale ouvraient l'accès à une nouvelle jouissance de masse mais au prix de fermer l'accès à la parole singulière ?


La souffrance contemporaine –dite dépression- apparaît ainsi comme l'expression d'une jouissance muette qui ne disposant plus du mot, renvoie le sujet à une solitude liée à l'abdication de sa subjectivité de « parlêtre ». »


(Alain Didier-Weil, LA PSYCHANALYSE, LE POLITIQUE ET LE PARADOXE DES LUMIÈRES, Communication faite à l'Agora le 25 mars 2004)

http://www.oedipe.org/fr/actualites/agora%20alain%20Didier-weill




Je ne partage pas l'analyse que faisait ce jour-là Alain Didier-Weill des différentes positions institutionnelles, j'y vois une sorte de forçage et le reçois comme provocation à repenser l'institutionnel analytique à partir de chaque position subjective. On pourra prétendre que je ne veux voir là que ce qui sert mon propos. Toujours est-il qu'on ne pourra certainement pas reprocher à Alain Didier-Weill d'abdiquer, dans ce propos, de sa subjectivité de parlêtre. Il nous donne, dans ce passage, une interprétation de la dépression, « souffrance contemporaine », comme conséquence d'une position, morale, d'abdication de la subjectivité de « parlêtre ». C'est une position incontestablement lacanienne, foncièrement freudienne.


La question est de savoir discerner entre une abdication qui serait signe de la « maladie » ou sa cause. Faire de cette abdication un signe plutôt qu'une cause revient à disculper le sujet de toute causalité quant à ses humeurs. Mais, à extraire un sujet du répond et de la responsabilité pour lui infliger une causalité sur laquelle il n'a aucune prise, il y a un effet mécanique dépressiogène. C'est ainsi que je reçois cet énoncé, communiqué du Nouvel Ane, « LNA 7 est paru. Il entame une contre-campagne dirigée contre la “campagne dépression” qui se déploie actuellement à la télévision, à la radio, dans la presse. Après étude, nous la tenons pour irresponsable, dangereuse, et, ce qui ne gâte rien, ridicule. »


Le ridicule tue, disait Lacan; c'est la seule raison de prendre cette campagne au sérieux.


DK

jeudi 1 novembre 2007

un Guggenheim à Bilbao

Le traitement de masse de la depression bat la campagne; communication de la depression, 2

« L'architecte parle souvent de ses dessins comme de « gribouillages » : « Je regarde à travers le papier pour tenter de lui arracher l 'idée formelle; c'est comme quelqu'un qui se noierait dans le papier. C'est pourquoi je ne considère pas ce que je fais comme des dessins; je ne peux pas. C'est seulement après, quand je les regarde. » En procédant ainsi, Gehry passe du rôle d'auteur lancé dans ses gribouillages/écriture semi-automatiques à celui de lecteur curieux de démêler les formes potentielles dans les multiples lignes et contours de ses dessins. Selon Barthes, « un texte est fait d'écritures multiples, issues de plusieurs cultures et qui entrent les unes avec les autres en dialogue, en parodie, en contestation; mais il y a un lieu où cette multiplicité se rassemble, et ce lieu, ce n'est pas l'auteur, comme on l'a dit jusqu'à présent, c'est le lecteur ». Intuitivement, Gehry réussit à combiner le conscient et l'inconscient, le gribouillage/écriture semi-automatique avec l'ébauche de plans schématiques basés sur le programme préliminaire et sur l'état du site. Même une fois qu'il pose son crayon feutre, signifiant que la phase de dessin est terminée, le processus créatif continue quand l'architecte retourne à ses croquis en tant que lecteur. Subséquemment, il peut découvrir par hasard des formes qui s'ajouteront à son vocabulaire ou seront rejetées, tout cela en vue d'un seul objectif: « Dessiner est un moyen. La maquette n'est qu'un outil. Tout est outil. L'édifice est la seule chose qui compte – l'édifice achevé. »


(Extrait de « Frank O. Gehry, Musée Guggenheim Bilbao », Coosje van Bruggen, p 40, Guggenheim Museum Publications, Distribué par les Editions de la Martinière, Paris)



Pour manifester une réaction à la campagne d'information sur la dépression qui élimine simplement la psychanalyse des recours proposés à ceux qui s'informent sur « la maladie », le mieux est semble-t-il de procéder par petites touches, en délicatesses avec les savoirs, mais nombreuses; mieux vaut, autrement dit, être un peu tachiste, quitte à passer pour pointilliste, car il ne serait pas de bon ton de laisser la culture de côté, et précisément la culture de masse. Pour donner une idée de l'échelle de cette « petite touche », je publie ci dessous un texte qui a eu son autonomie et a un peu circulé indépendamment, il y a une dizaine d'années, sans que ses lecteurs ou son auteur voient nécessairement bien son statut exact; mais aujourd'hui, il se pose là comme indice de ce qui est au principe de causalité de cette dépression- « maladie » contre laquelle on bat... une campagne. Ce n'est pas tant qu'il faille prendre la mouche, position dépressive pour position dépressive... Mais qu'il y eût, à ce collectif déprimé, que les anti-dépresseurs soignent si mal, (parce que sinon, n'est-ce pas, en serions nous là?), des antériorités nettement plus délirantes. Et si, comme le dit une certaine nouvelle revue de psychanalyse N° 67 de la Cause Freudienne, « Tout le monde délire », faut-il souligner que d'habitude, les psychanalystes n'y sont pas les premiers, et les médias, pas en reste? La bonne méthode est-elle de « faire autorité »? -Il y aura donc autant de « petites touches » qu'il en faudra pour sortir la dépression, « maladie », ou singularité, de sa cloche de Gauss.




...surfer sur la vache folle ...



(Didier Kuntz 21 Juin 1996)


Quelques semaines sans s’informer sont sans doute une folie que l’on peut rarement se permettre à notre époque, il n’en reste pas moins qu’il est impossible d’être totalement coupé des images et rumeurs ; le passé récent ressemble alors à l’un de ces rêves mauvais, particulièrement oiseux, pas loin du cauchemar, dont on se souvient parfois après un sommeil de plomb . Comme les rêves, cela s’analyse, cela révèle les désirs et complexes cachés, il est particulièrement tentant de mettre en rapport les bribes restantes et d’associer librement, pour voir où ça mène ... si cela permet de mettre au jour une organisation cachée, une cohérence subliminale aux charmes surréalistes ...

Alors avant de partir en vacances, encore quelques petits mots sérieux pour lever le nez des copies d’examens avant que la publication des résultats en ait à nouveau rompu le charme.

Ce dont il me souvient, donc, après ces quelques semaines loin des médias, c’est un melting-pot tournant autour des vaches folles, un vrai délice de cuisine politique française, pas loin de la sarabande de sorcières; l’austérité seule des objets en cause nous sépare du délire érotique que toute cette histoire évoque à tour de bras .

Ainsi donc quelque chose d’imprécis a changé en France depuis les lustres du nouveau pouvoir, nouvelles méthodes, nouveaux moyens, comme il se doit, puisque la sémantique permet d’appréhender la pensée collective, pourquoi ne pas gouverner à l’aide du déplacement freudien ? Ainsi avons-nous vu les Français dupés de ce tour de passe-passe qui est venu sublimer la vache enragée en vache folle: autres mots, autres remèdes . S’il n’est pas facile de leur proposer autre chose à bouffer, on peut du moins leur retirer la viande du plat .

Il n’est pas difficile de constater la surdétermination qui fait de la vache folle un chiasme où viennent se croiser les fils conducteurs de la vie politique et de souligner comment son traitement forme un véritable remède de cheval pour les calamités qui nous rongent . Soit dit en passant, qui s’étonnera que la métaphore se joue sur le terrain agricole, puisqu’elle est destinée à stigmatiser le style du président Chirac, qui a testé autrefois sur ce terrain les méthodes d’action avec lesquelles il a longtemps séduit l’opinion ? Ces méthodes, nous devons en saluer le charme poétique, puisqu’elles tirent leur incontestable efficace du travail du verbe dans les images collectives...

Passant de la vache folle à la vache enragée, celle-ci faisant oublier celle-là, on soulignera le lien subjacent entre l’apparition de la rage bovine et la baisse des crédits perpétuellement reconduite de l’Institut Pasteur, auquel je dois une partie pas nécessairement négligeable de ma formation, ce qui est une raison suffisante pour dénoncer l’inefficacité de la baisse de crédit pour en améliorer le rendement: on voit là clairement un résultat . Si l’économie réalisée a pu permettre de financer les balles avec lesquelles les vaches ont été spectaculairement abattues, on remarquera également que la prévention ainsi réalisée permet une solide économie en amont du déficit à venir de la sécurité sociale . La suppression des lits a vraisemblablement atteint sa limite, surtout en ce qui concerne ceux des hôpitaux psychiatriques, comme en témoigne l’apparition de cette histoire proprement délirante .

Puisque maintenant les vétérinaires font de la prévention à l’aide des tireurs d’élite que leur a adjoint une armée en pleine mutation, -au moins là on en a pour son argent-, je profite de la transition pour parler de la prévention du sida . L’on n’imagine pas à quel point sont proches ces thématiques, si l’on oublie la proximité phonématique des vaches avec le V.I.H.; que voilà donc un traitement de rêve (et je pèse mes mots), pour un problème dont on ne voit pas le bout, puiqu’il y a, paraît-il, des difficultés à se suffire d’un numéro vert pour résoudre le problème: pourquoi alors ne pas en fonder un deuxième ?

Un monceau de cadavres de vaches empilées, rassemblées à renfort de bulldozer, des vaches menées au bull-dozer, voyez comment l’on vous montre la vache menée au taureau, comme est morbide la métaphore qui adjoint à la vache une rustaude mécanique humaine; et comme il n’y a qu’un pas du bulldozer au taureau, du taureau à la vache, de la vache au V.I.H., du V.I.H. à l’homme, et de l’homme au singe vert: métaphore d’amour et de mort où la vache a fini de rire . Cela est-il destiné à nous signifier qu’il vaut mieux abattre que de se laisser abattre ? A moins qu’il s’agisse, en matière d’amour, d’un phantasme d’abattage ?

Toujours est-il qu’avec les vaches anglaises est arrivée tout naturellement la question de l’origine . Les psychanalystes savent depuis longtemps quel lien cette question entretient avec le phantasme primordial où le sujet imaginarise sa propre apparition . Pour en revenir à la surface du problème, puisque je suis dans l’étendue, (pour ne pas dire dans les temps durs), il faut remarquer qu’aucun doute ne saurait entacher l’origine française même bovine, et que l’anglais a longtemps été, dans l’imaginaire français, la figure ambivalente de l’ennemi auquel on s’allie de temps à autre depuis la guerre de cent ans, en un mot le rival amoureux . Il suffit de remarquer les défenses que mobilise l’immixtion des langues, pour faire oublier le rapport particulier, si ambigu, du chef de l’état actuel à l’Angleterre, ce qui est au fond assez gaullien . Qu’on tue donc les vaches anglaises pour garantir les nôtres ...

Or donc, depuis peu, chez mon épicier arabe, est apparu ce panonceau stupéfiant, qui garantit l’origine purement française de la viande de boeuf ! Quand je dis épicier arabe, j’ai d’ailleurs l’impression de commettre un pléonasme, qui est la seule alternative à la concentration des chaînes de distribution alimentaire . Ce panonceau a le mérite de remettre à sa vraie place la garantie de l’origine; seul un électrochoc de cette nature peut déplacer la folie de l’origine, du moins pour un temps: l’emploi des électrochocs en psychiatrie, lorsqu’on ne fait plus confiance aux vertus de la parole, a mis en évidence le peu de cas qu’on y fait du sujet, pour qui c’est toujours une meurtrissure de plus ... Et l’on en vient à se demander si cette rhétorique de pouvoir n’est pas plus dangereuse qu’un traitement symptomatique des problèmes, où l’on ne chercherait pas à les résoudre par le cadavre exquis des vaches transformées en boucs émissaires des angoisses françaises . La méthode est efficace et assez charmante pour calmer les esprits en leur offrant un support imaginaire incontestablement adéquat, puisqu’il exorcise jusqu’aux vieux échos de mort-aux-vaches en les figurant dans une mise en scène somptueuse (pour ne pas commettre un somp-tueuse), mais elle ne s’attaque pas à la cause du malaise dans la société, -il faut bien laisser une petite chose aux analystes, n’est-ce pas ?


La France d’aujourd’hui, lorsqu’on scanne sa rumeur, semble bien gouvernée par un émule de Frédéric Dard; on ne contestera pas que c’est préférable à la politique du père Ubu: l’image des coups assenés n’est sans doute pas moins ravageur que les coups eux-mêmes, objectera-t-on; la pensée qui s’insinue en moi me dit que l’image de coups est plus évocatrice pour celui qui en a été la victime . Et peut-on encore se permettre une mauvaise pensée dans un pays terrassé de trous, infecté de peste brune, mais aussi en pleine révolution rampante ?