mardi 26 février 2008

ça mord aux cons

Je ne sais que dire; je suis très en colère depuis plusieurs semaines; il y a une campagne qui a réveillé ce qu'elle cherchait à endormir en faisant sauter les moutons sous le lit; après le mariage, il y aura l'enterrement ou quoi? Il y a un type que je n'aime pas, qui fait de la politique, dont je m'interdit d'écrire le nom pour ne pas lui faire une pub qu'il ne paye pas et ne pas lui donner une considération qu'il n'a pas gagnée; mon voisin, agriculteur à la retraite, près de soixante dix ans, les hanches en plastique, tout en faisant de la maçonnerie décorative dans son intérieur avec son frêre aîné, m'a raconté ce matin que ce même type aurait traité publiquement et médiatiquement de con un gars qui refusait de lui serrer la main car il désirait la garder propre; j'ai répondu à ce voisin qu'il a raison, cet homme, c'est un con et de plus un con célèbre, grâce à lui; je vais vous dire une chose, cher Laurent, mais gardez cela pour vous afin que chacun l'apprenne: il y a des poignées de mains obligatoires dans ce pays qu'on ne peut pas refuser de prendre, (car les poignées de mains, n'est-ce pas, étant indépendantes des personnes qui se servent des mains pour distribuer des claques, comment peut-on refuser une poignée d'une main et donner de la même main, une claque qui ressemble à un applaudissement?), et donc, faire remarquer à celui qui les distribue qu'il n'a rien serré de ce pays de cons où les cons votent pour le plus con des cons, afin de se faire traiter chacun comme le roi des cons, car en France, on est sans doute très con, mais on n'a pas oublié qu'en coupant la tête au chef on est déjà un tout petit peu moins con; du reste, dans certain cas de figure, cette perte de tête prise ne diminue pas l'intelligence du chef d'un iota, ce qui était important, c'était de gagner à qui a la plus grande gueule pour traiter l'autre de con; et cela, vous le savez aussi bien que nous tous autres, pour y briller, il faut commencer dès très jeune à s'entraîner devant le miroir de la salle de bain en tenant dans son bec un fromage, (qui est là pour qu'on se trouve le corps beau, -très con, n'est-ce pas?). Et encore, je ne vous dis même pas ce que je pense, parce que je sais qu'on a pas encore tout vu en matière (pas grise du tout) de connerie au sommet; c'est difficile d'être le premier con à faire quelque chose, le premier con sur le Mont Blanc était déjà pris, le premier con possédant un Mont Blanc aussi; mais le premier con à l' Elysée, ce n'est pas comme président qu'il y a commencé; vous croyez peut-être que je vais parler du précédent, mais non, cela en ferait un, de précédent, j'ai parlé de lui à propos de la vache folle, et je trouve que ça fait le tour de la question; celui-ci serait plutôt du style de la cravache folle, on reste dans la même chaîne signifiante; ça finira par la cravache molle, et puis après, il se prendra le temps, le con, de découvrir les montres molles; à se prendre pour le surmoi de tous il en deviendra le plus petit commun dénominateur, la catachrèse d'un con, sa catagénèse, et aura enfin atteint le sommet du rêve de tous les cons, d'aboutir à la perfection, et être le premier con parfait. Sinon, comment ça va, chez vous, ça boume?

Didier K

ps: vous pouvez faire passer ça à certains copains malheureux en université, pour leur dire que je les aime, il paraît que c'est le jour de l'amitié aujourd'hui, je n'ai eu qu'une lettre, de mon beau-frêre, mais quelques visites, aussi, très belles...

Oedipe sur internet a écrit :

La colère, dit le dicton, est mauvaise conseillère. Elle peut en effet nous pousser, pour nous défaire de la tension qu’elle suscite en nous, à passer à l’action. Elle peut nous conduire à ignorer les barrières construites pour pacifier notre lien social, et produit dans les couples de très curieux fonctionnements alliant la provocation aux plaisirs de la chair. Les politiques savent bien utiliser la colère pour manipuler les populations. Une masse en colère est une masse qui ne réfléchit plus mais qui agit et qui soutient ceux qui en désignant les supposés coupables, légitiment la transgression et la violence que la colère engendre naturellement. La transgression fait naître la culpabilité toujours quelque peu pénible à supporter chez les névrosés que nous sommes. Si par contre une autorité nous en donne l’autorisation, celle-ci se fera moins présente à notre esprit. Dans une démocratie le vote sert le plus souvent d’exutoire à la colère des peuples, c’est même sa fonction ultime, pourtant voter est un acte extrêmement complexe. Faire la part belle à l’impulsivité est un jeu extrêmement dangereux.

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Laurent Le vaguerèse

jeudi 14 février 2008

assise

20080213 - INPES – DEPRESSION – 11- Dormir sur ses deux oreilles rend fou.

Imaginez-vous ceci : vous vous allongez dans un endroit calme, reposant. Vous ne pensez à rien de particulier. Vous sentez vos jambes, vos bras, qui reposent tranquillement sur le doux matelas dans cette pièce tempérée et agréable. Vous sentez le contact de votre dos avec le matelas, relaxez-vous de plus en plus. Sentez le contact de votre tête avec l'oreiller. Ecoutez calmement la suggestion qui vous est faite de dormir sur vos deux oreilles. Et rien ne va plus. Vous vous retournez, afin de poser une oreille sur l'oreiller. Vous cherchez le contact de la deuxième oreille avec l'oreiller et vous vous retournez. Impossible malgré tous vos efforts de parvenir à poser simultanément les deux oreilles sur l'oreiller afin de dormir selon la manière qui vous est suggérée, paisiblement, de cette voix tranquille et lénifiante, si agréable à écouter dans la retraite construite par la voix omniprésente et persuasive. Vous aller conclure un peu vite que dormir est impossible et que toute vélléité de sommeil rend fou. Vous n'allez pas tarder à entendre qu'un traitement s'impose car à n'en pas douter, vous êtes déprimé.


Qu'est-ce donc que cette expression dont la réalisation concrète est impossible, sinon par le biais de la troisième oreille, et comment donc évaluer l'expression? Valez-vous bien de dormir sur vos deux oreilles ? Il s'agit à n'en pas douter d'une métaphore, c'est à dire, d'une expression dont le sens est porté plus loin : il ne s'agit pas là des oreilles, mais de ce qu'elles vous permettent d'entendre. Ce qui vous est proposé est de dormir sur ce que vous entendez, et surtout de ne pas mettre la pression critique sur le sens de ce que vous entendez. Sans quoi évidemment vous ne dormiriez que d'un oeil.


Qu'est-ce qui, donc, dans cette campagne organisée par l' INPES pour vous confronter de manière massive et persistante à la suggestion que vous pourriez être déprimé, a réveillé les psychanalystes autour de Jacques-Alain Miller ?


Ce n'est pas tant que l'organisation de cette campagne follement et très inutilement coûteuse induise la reprise et la massification de cette thématique dépressiogène par les revues plus ou moins people, de l'Express à Gala en passant par les magazines féminins, télévisuels et psychologiques, le Nouvel Obs et Doctissimo, et ait un véritable effet de propagande destinée à nous convaincre que décidément, rien de concret dans la vie sociale, politique, économique et culturelle, dans la France actuelle, ne pourrait se présenter comme cause tout à fait réelle de tristesse et de douleur morale, comme cause de ce sentiment que les choses se situent plutôt bas par rapport à quelque chose de plus haut antérieurement éprouvé, et ineffaçable, que l'on appelle cela mai 68 et de tous ses voeux, ou autrement.


Ce qui détermine la prise de position de ces psychanalystes, c'est que le discours qui est tenu sur cette dite dépression, ce nouveau nom donné au constat que le citoyen est délesté de son pouvoir de désirer, de manquer, pour s'offrir comme regard envieux à l'étalage massif de la jouissance du pouvoir, et que, d'autre part, ce discours on ne peut plus officiel situe cette déconvenue, ce dégoût, comme une maladie du corps, à présenter au médecin et à traiter par la pharmaco-chimie, à quoi les « bonnes pratiques » contraignent celui-ci.


Déconvenue et déception, ces deux grands affects du corps social actuel, se sont donc très maladroitement trouvé posés comme réactions maladives, comme s'il était évident pour tous que le spectacle que la société se donne à elle-même devait nécessairement plaire : si vous n'obéissez pas à l'injonction de trouver l'époque agréable, et l'estimez contrainte, vous n'êtes pas contrit, mais déprimé; et encore, vous dit-on, ne s'agit-il pas de névrose actuelle, que l'on pourrait vous conseiller de traiter par la psychanalyse : l'INPES fait le faux-pas supplémentaire de vous dire qu'il s'agit d'une maladie du corps, dont le contenu psychologique ou psychique éventuel est un épiphénomène, à traiter par le mépris et dans l'urgence.


De cette campagne bâclée, contre-productive, inutile, et orientée selon les préceptes sectaires d'une théorie psychologique, la pièce centrale est le cognitivisme, qui peine à asseoir son emprise dans les universités par autre chose que la désinformation clinique et par lobbying, et il faut maintenant conclure ce onzième et dernier volet par le rappel à l'opinion publique que c' est avant tout pour permettre que l'on puisse continuer à se parler sans courir le risque de tomber dans les pièges de l'influence manipulatrice y compris en clinique, que les cliniciens, chercheurs, enseignants et intellectuels se sont mobilisés, à l'appel lancé par Jacques-Alain Miller à travers forumpsy ou d'eux- mêmes : le mouvement est lancé, et il atteindra son but, qui est que l'on cesse de traiter l'humanité comme une variété de rats de laboratoire. L' INPES a été pris la main dans le sac. Il serait temps que les journalistes diffusent les résultats de leurs investigations.


DK

mardi 12 février 2008

vélove

20880210 ROBERT HUE - LA MUTUALITE - FORUMPSY


Paris, la Mutualité
Le 10 février 2008


Robert HUE


Sénateur, Président de la Fondation Gabriel Péri


Mesdames, messieurs, chers amis,

C’est avec grand plaisir que j’ai accepté l’invitation de Jacques-Alain Miller à participer à cette rencontre. Pour une raison simple : mon engagement politique rejoint votre discipline, depuis toujours, dans le souci de l’émancipation de l’homme, de sa « désaliénation ».

Or, après une période faste d’extension des libertés individuelles, d’accroissement du niveau de vie général, de démocratisation de l’enseignement supérieur et de progrès de la protection sociale, cette émancipation est de plus en plus menacée, comme en témoignent notamment les attaques répétées contre l’enseignement de la psychanalyse au profit du cognitivisme.

Cette remise en cause est éminemment politique. Elle l’est au sens large, c’est-à-dire d’un choix de société. À ce propos, j’ouvre une courte parenthèse pour évoquer la violente campagne de dénigrement de la psychanalyse à laquelle s’est livrée le Parti communiste durant la Guerre froide, au nom, précisément, d’un choix de société. Le rapport des communistes à cette discipline était, à la fois, de fascination et de répulsion, et surtout de malentendus.

Le renouveau de la psychanalyse venait alors des États-Unis, où s’étaient exilés quelques-uns des grands théoriciens d’Europe, et son courant majoritaire proposait une interprétation particulière du plaisir, qui en faisait, selon lui, un facteur d’harmonie sociale. Les conflits de toutes sortes – entre époux, voisins, ouvriers et patrons – se voyaient ainsi réduits à une utilisation négative de l’agressivité, à un écart désagréable du moi, auxquels l’intervention du thérapeute allait mettre fin. Il n’en fallait pas plus pour stigmatiser la psychanalyse comme véhiculant des valeurs « paternalistes », « bourgeoises », et « individualistes » destinées à « anesthésier la lutte des classes ». L’intérêt de Louis Althusser pour la lecture lacanienne des théories de Freud mit heureusement fin à cette période, et le dialogue entre communistes et psychanalystes put reprendre.

Jacques-Alain Miller a récemment déclaré, dans un entretien à Libération, que s’il lui fallait choisir entre l’évaluation et le marché, il préfèrerait encore le marché. Je serais tenté de dire qu’il aurait alors les deux. Le second ne va pas sans la première ; ils sont intimement, structurellement liés. La « culture du résultat » constitue désormais le quotidien des salariés – et même maintenant des ministres – : leur activité est jaugée en permanence, et de manière le plus souvent chiffrée. Les ressources humaines évaluent les compétences, les performances et le « potentiel » de chacun. Le marché capitaliste, en ce qu’il promeut et se soumet au primat du quantitatif, a besoin, entre autres, de cette évaluation pour maîtriser les hommes.

La dernière phase de mutation du capitalisme, débutée dans les années soixante-dix, est désormais bien connue. La dénonciation de sa déconnexion de l’économie réelle, qui engendre quotidiennement tragédies sociales et souffrances multiples, est parfaitement fondée.

Mais cette description demeure partielle. La financiarisation du capitalisme, au-delà du fonctionnement purement économique, a encore renforcé le poids de son « discours », au sens lacanien. Permettez que je cite à ce propos la tribune du psychanalyste Pierre Bruno dans L’Humanité du 14 avril 2001 : « Le discours capitaliste, au sens de Lacan, n’est pas une somme d’énoncés, mais un lien social – un rapport social, disons, pour le lecteur plus familier de Marx. Ce qui caractérise ce discours, et le singularise à l’égard de tout autre, est, dit Lacan en 1972, je cite, “d’exclure la castration”. Il fait ainsi accroire au prolétaire, dépouillé de tout, qu’il peut, grâce au fonctionnement du système, s’enrichir jusqu’à pouvoir jouir de tout. Un tel discours relève d’un impératif quasi sadien, affiché ou masqué : “Tu peux jouir de tout en écrasant ton semblable, sachant que ton semblable peut jouir de tout en t’écrasant…” ». Fin de citation.

La logique quantificatrice est bien la logique même du capitalisme tel qu’il a évolué après la Seconde Guerre mondiale. Elle fonde tout à la fois une nouvelle conception de la production et de son pendant consommatoire.

Au niveau de la production, à la différence du taylorisme, et pour reprendre les formules du jargon contemporain du « management », la « mobilisation de l’intelligence » et celle du « savoir-être », qui inclut les compétences comportementales et relationnelles, sont considérées comme des facteurs-clés du développement de la productivité. En référence aux sciences cognitives, l’intelligence est tenue pour un simple mécanisme de traitement de l’information à optimiser selon les besoins de l’entreprise. Les sensations, les sentiments, les valeurs, sont pris en compte dans cette même logique qui résume l’homme au travail à une mécanique qu’on pourrait maîtriser et manipuler à loisir. L’une des facettes de la mutation du capitalisme s’exprime dans sa tendance à réduire les individus à des producteurs, et ces producteurs à des machines dont les paramètres de gestion peuvent être totalement connus et maîtrisés. L’entretien psychologique dans le cadre d’un bilan de compétence est un parfait exemple de l’instrumentation des savoirs psy par le marché, en l’occurrence celui du travail.

Mais la production croissante à l’infini s’étoufferait elle-même sans une consommation idoine. Le philosophe Bernard Stiegler a montré comment le capitalisme a progressivement pris en compte l’évaluation et la canalisation des affects pour soutenir, voire augmenter la consommation de biens. Il décrit ainsi concrètement le fonctionnement du discours du capitaliste tel que Lacan l’avait formalisé : « Aujourd’hui, dans les sociétés de modulation que sont les sociétés de contrôle, les armes esthétiques sont devenues essentielles : il s’agit de contrôler ces technologies de l’esthétique que sont par exemple l’audiovisuel ou le numérique, et, à travers ce contrôle des technologies, il s’agit de contrôler les temps de conscience et d’inconscience des corps et des âmes qui les habitent. ».

L’efficacité des techniques quantificatives pour gérer nos flux psychiques aboutit ainsi à une situation digne du Meilleur des Mondes : ceux dont l’exploitation fonde le système ne le pérennisent pas seulement en tant que producteurs, mais aussi en tant que consommateurs aux désirs suggérés qui en deviennent les promoteurs inconscients. Voilà la socialité qu’est en train de construire le dogme de l’évaluation : une sorte de nouvelle servitude volontaire, fièrement proclamée par le slogan de Nicolas Sarkozy, « travailler plus pour gagner plus » auquel on pourrait ajouter, dans un souci de véracité, « pour consommer plus ».

Si, en tant qu’idéologie dominante, « l’esprit du capitalisme a en principe la capacité de pénétrer l’ensemble des représentations mentales propres à une époque donnée, d’infiltrer les discours politiques et syndicaux, de fournir des représentations légitimes et des schémas de pensée aux journalistes et aux chercheurs, si bien que sa présence est à la fois diffuse et générale », comme l’écrivent avec raison les sociologues Luc Boltanski et Eve Chiapello, la résistance dans laquelle, vous, psychanalystes, êtes entrés voilà deux ans a toutes les chances, à mon avis, de durer.

Pour contrer cette hégémonie qui infiltre tout et ouvrir d’autres perspectives que la généralisation de cette « culture de l’évaluation », de ce « nouvel esprit du capitalisme », il faut que psychanalystes et politiques progressistes prennent conscience de la convergence de leurs combats. À ce titre, peut-être serait-il profitable de réfléchir sur la place de la psychanalyse dans le dispositif de santé publique, afin d’en élargir l’accès au plus grand nombre. Car la souffrance psychique concerne l’ensemble des couches sociales, et les plus fragiles sont aussi les plus touchées par les transformations du monde du travail et les nouvelles techniques de marketing que j’évoquais à l’instant.

Convergence de combat, disais-je, mais aussi de sujet, puisque comme l’écrit Jean-Claude Milner dans son Lacan et la science moderne, je cite : « Le sujet de la psychanalyse est le sujet forclos de la science », c’est-à-dire le sujet qui échappe par essence à l’action de la science, et en particulier à cette grimace de science qu’est la culture de l’évaluation. Ce sujet, c’est, en des mots simples, l’être de l’être humain, l’humanité de l’humain. C’est donc aussi le sujet d’une politique de progrès, et c’est pourquoi vous pouvez, dans votre lutte contre cette culture de l’évaluation, contre ce qu’elle sert, compter sur le progressiste que je suis.


vendredi 8 février 2008

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Politique de la psychanalyse

Avis:

Le texte qui suit, d'intervention de Madame Bachelot-Narquin, est repris par copier-coller, tel quel, d'un envoi d'abonnement à une liste électronique de l'ECF. Ceci pour mémoire: je commente ici rapidement, en cours de lecture, et parsème de quelques questions avec lesquelles on pourra accompagner la lecture de son discours...

1) Afin que chacun ne reste pas dans son coin à digérer le discours de l'autre, il convient tout d'abord de se rappeler que les psychanalystes ne participent pas en tant que tel au système de soin et encore moins à sa politique, ou à quelque politique de soin que ce soit; et ce, sans qu'il y ait forcément de frottement, contradiction ou divergence, se souvenir qu'une politique de la psychanalyse est nécessairement une divergence de fond quant à toute politique de la santé; le bénéfice que la politique de soin peut escompter en tirer: l'examen de son efficacité symbolique; -il n'y a en effet pas à considérer de manière préliminaire ces rapports entre politique de la santé, (qui est mise en oeuvre par l'État), et politique de la psychanalyse, (qui est la question que pose collectivement la communauté analytique, à dix mille voix une par une), soit rapport de force ou de pouvoir; la psychanalyse, aujourd'hui, on le constate, a pour politique de rouvrir le dialogue intime de la politique de la santé avec elle-même, à un moment où elle sort, la tête haute, d'une phase de confusion préliminaire; et il convient de garder à l'esprit que si nous voulons que la politique de la santé en sorte la tête haute, il est de notre devoir de l'amener à se délester du souci du contrôle de la pensée, toute norme en ce domaine ne menant qu'à une dégénérescience, pourrait-on dire, de l'accueil fait aux citoyens en situation de fragilité, qui sont, faut-il le rappeler, la cause des institutions.

2)Les psychanalystes peuvent-ils participer à la politique institutionnelle de soins? En tant que tels et en tout état de cause, l'impossibilité construite de leur présence en tant que telle sur le terrain institutionnel, donne la mesure du chemin à parcourir pour que la présence du psychanalyste soit inscrite comme possibilité dans les institutions de soin; et ce non pas au titre de psychologue ou de psychiatre ou de psychothérapeute, mais comme psychanalyste, et à ce « titre »: quelque concession que ce soit sur ce point précis rend inutile quelque discussion que ce soit du contenu même de la formation du psychanalyste et du contrôle du contenu de ce titre, que ce soit par les associations de psychanalystes, ou par quelque struture institutionnelle pour l'instant inexistante, et il faut bien le dire, indésirée tant des psychanalystes que de ceux qui s'adressent à eux, ceux à qui cette situation ne convient pas ne manquent pas par ailleurs d'adresses, celles-ci déjà citées: à savoir psychanalyste – tiret - quelque chose, ou bien, autre chose que psychanalyste, diplômé ou non.
3) Quelque soit l'intérêt des démarches pluridisciplinaires, les psychanalystes n'éprouveront guère d'intérêt à complémenter les démarches de soins qui leur font les yeux doux aux fins de tautologies bien illusoires; non que la psychanalyse ait à résister aux soins, mais a à ne pas participer à leurs incantations; me semble-t-il du moins.
4) Par conséquent, n'ayant à participer aux soins qu'à titre d'être consultés pour les discuter, ou entendre les discussions que soulèvent les soins et leur élaborations par des bonnes pratiques, celles-ci codifiées pour rendre applicable une politique de santé dont les buts sont nécessairement en partie voilés et les finalités structurellement incertaines, les psychanalystes ont donc à faire l'effort extraordinaire de se rendre disponibles pour être à même d'émettre un refus ou une acceptation à toute demande d'entretien, qu'elle émane d'un particulier ou d'une représentation institutionnelle : c'est en somme ce que la psychanalyse exige du psychanalyste, qu'il sache attendre d'er, à ce titre consulté, serait-ce par une institution. Ce serait bien confortable qu'il en soit autrement, mais tout autre politique à pour effet de faire disparaître la psychanalyse des terrains où elle se situe, universités, hôpitaux, on l'a vu par le passé. Il ne s'agit là que de discipline, de la discipline psychanalytique, puisqu'on ne peut pas parler des déontologie dans ce secteur d'activité, et que l'éthique recoupe un tout autre champ que celui d'un maintien en vie d'une matière, (discipline, méthode, ou ce que l'on voudra).

Mes amitiés et mes voeux les plus chaleureux aux participants du forum des deux jours qui viennent... À part ça, abonnez-vous au nouvel âne, qui va être indispensable dans les temps qui viennent, en plus d'être un journal vraiment excellent.

DK

ndé: lien sous titre http://www.passant-ordinaire.com/revue/34-228.asp


ecf-débats
liste électronique du Conseil de l'Ecole de la Cause freudienne
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Modérateur :Luis Solano 7 février 2008

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Intervention
par Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN
Ministre de la santé, de la jeunesse et des sports
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COLLOQUE

sous la Direction de Mr. Jacques-Alain MILLER

DÉPRIME - DÉPRESSION
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-Vendredi 1er Février 2008-
à 18h00
(MINISTÈRE DE LA SANTÉ, DE LA JEUNESSE
ET DES SPORTS)




Mesdames et messieurs,

Cher Jacques-Alain Miller,


Au risque de vous surprendre, risque que j’assume avec un plaisir non dissimulé, je voudrais ouvrir mon intervention par une citation du Président de la République : « la politique de la vie, c’est une politique qui part du principe que la qualité est plus importante que la quantité, que s’agissant de ce qui touche intimement à la vie, les critères qualitatifs sont plus importants que les critères quantitatifs ». Et d’ajouter : « c’est bien pour cela que la politique existe : parce que tout n’est pas quantitatif ».

La ministre de la qualité des soins que je veux être reprend volontiers à son compte de tels propos. Il convient, en effet, d’accorder ici aux mots toute leur valeur, d’en restituer la portée éthique, d’en déchiffrer, oserais-je dire, le sens.

En matière de santé, comme c’est aussi le cas pour la culture ou l’éducation, l’action publique ne saurait, sans trahir sa finalité, se réduire à la seule gestion des choses.

Cette maison qui vous accueille aujourd’hui, et dont vous saurez interpréter comme un signe, l’hospitalité, est une de ces maisons communes dont la vocation publique justifie l’ouverture au débat.

L’administration de la santé elle-même ne saurait être, par principe, par destination, une administration sans âme et sans épiderme, insensible aux exigences de la vie.

Et cela, d’autant moins, je tiens d’entrée de jeu à le souligner, que c’est bien la finalité qualitative de notre politique qui doit désormais structurer notre appréhension des problèmes.


Ainsi, les questions de santé publique qu’il nous revient de traiter ici, compte tenu de leurs enjeux éthiques, ne sont pas, malgré leur complexité, ou plutôt devrais-je dire, à cause de cela, l’affaire de quelques spécialistes isolés.


L’élaboration d’une politique de santé exclut, par définition, le cloisonnement disciplinaire : expression en elle-même assez éloquente sans qu’il soit nécessaire d’en redoubler l’énoncé par quelques commentaires.


La complexité des enjeux exige plutôt une méthode toute particulière, adaptée à l’objet de notre réflexion. Esprit de géométrie et esprit de finesse doivent ainsi s’allier pour appréhender une réalité qui, par définition, ne saurait se réduire à quelques abstractions mathématiques.

Sachons donc résister à ce triste tropisme qui consiste à tenir séparés des domaines de compétences qui devraient, au contraire, se fertiliser réciproquement par la pratique de l’échange.

La science, elle-même, pour quiconque est un peu sérieusement instruit de son histoire, est plutôt rétive aux réponses toutes faites, et ne doit ses progrès qu’à la capacité de questionner son propre savoir.

Certes, la certitude est généralement plus rassurante que le doute. Cependant, à mes yeux, ce sont, plutôt que le dogme asséchant, les bonnes questions, celles qui dérangent, qui valent d’abord d’être entendues.

Ce sont elles qui, toujours, nous aident à progresser dans la réflexion, nous protègent des simplifications abusives, de la grossièreté scientiste.

Aussi je ne puis que me réjouir que résonne entre ces murs cette parole vive, cette libre parole qui interroge.

Je suis fière, en effet, de vous donner ici l’occasion de tenir ce colloque sur déprime et dépression, l’occasion de poser les questions qui font et qui doivent faire débat, compte tenu de leurs implications éthiques.
*

Je voudrais m’arrêter ici, un instant, pour invoquer, non pas quelques principes abstraits, mais plus précisément le scrupule méthodologique dont la vertu essentielle est d’infléchir sensiblement notre manière d’être vis-à-vis de celui qui souffre.

Cette exigence éthique que Freud situe au cœur de la pratique analytique, et qui a profondément modifié le regard que nous portons plus généralement sur l’humain, sur sa vulnérabilité, détermine bien le sens de la politique que je veux conduire, suivant une démarche résolument qualitative.

Le fondateur de la théorie psychanalytique a aussi mené en son temps un combat pour la liberté, contre le préjugé et l’ignorance.

Les progrès accomplis depuis, en matière de diagnostic et de traitement, et plus largement dans la perception même des troubles psychiques sont, pour une part sensible, redevables à ce combat.

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler que les troubles psychiques, appelés hystéries, suscitent encore, à l’époque de Freud, la méfiance du clinicien.

Si, jeune neurologue viennois, le père de la psychanalyse élabore l’hypothèse révolutionnaire de l’inconscient, c’est d’abord pour expliquer des phénomènes pathologiques dont la médecine jusqu’alors ne savait rendre compte scientifiquement.

Objet d’étonnement, de réprobation, condamnés avant d’être soignées, craintes et parfois tournées en dérision, ces pathologies ont été jugées bien avant que d’être comprises. Ces temps, nous pouvons l’espérer, sont révolus.

Il reste, cependant, encore beaucoup à faire et à apprendre. Certes, le regard social a changé. Les traitements se sont perfectionnés. Les derniers développements des sciences humaines, les contributions croisées de la philosophie, de la psychanalyse et des sciences ont favorisé l’émergence de nouvelles problématiques.
*

L’humain, en raison de l’indétermination ontologique qui fonde sa complexité, résiste à toute modélisation.

La prise en compte de cette complexité impose, de toute évidence, de s’inscrire dans une démarche pluridisciplinaire.


C’est dans cet esprit, notamment, que je compte initier une politique de prévention innovante qui puisse davantage bénéficier de l’apport des sciences humaines.


Alors même que la nouvelle donne planétaire induit partout de profondes mutations, nous ne devons pas hésiter à réviser quelques unes de nos glorieuses certitudes et à réformer nos modalités d’intervention.

A cet égard, il conviendra sans doute de repenser la manière même dont nous nous adressons aux individus, en veillant à nous rendre plus disponibles à la surprise de l’événement singulier.

Aussi, je crois que la réflexion analytique a un rôle essentiel à jouer dans les débats de santé publique.

Je crois aux vertus de l’échange entre les différentes disciplines, échange qui suppose toujours la pluralité des points de vue et des expériences spécifiques, échange qui permet aussi parfois d’éviter la fadeur artificielle du consensus mou.
*

Je suis donc très heureuse que puisse se tenir ici, dans cette maison que je ne conçois pas comme une citadelle sans porte ni fenêtre, un colloque dont les contributions riches et variées ouvriront des perspectives de réflexions fructueuses.

Je vous souhaite à toutes et à tous bonne continuation dans vos travaux dont le programme chargé indique bien votre souci d’explorer, suivant ses nombreuses configurations, le territoire contrasté de la dépression.

Je suivrai, soyez-en assurés, avec la plus grande attention les conclusions de ces journées. Vous savez d’où je parle.

Je vous remercie.
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