Le traitement de masse de la depression bat la campagne; communication de la depression, 3 - Abdication de la subjectivite
« Prendre en charge le paradoxe des lumières nous conduit a repérer de quelle façon il retentit au sein de la transmission de la psychanalyse. D'un côté, la psychanalyse, en tant qu'elle mène un combat contre la censure sociale, demeure d'une certaine façon, sous la bannière de nos encyclopédistes. Nous pouvons même dire que ce combat, voulu par un Freud dans sa référence à l'Aufklärung, est apparemment victorieux du fait de la progressive levée en masse du refoulement social. Si, de cette victoire, s'avérant par le bouleversement des mœurs, par une libération sexuelle tous azimuts, j'ai dit qu'elle était « apparente » c'est pour la raison suivante : s'il y a une libération des mœurs, dont nous devons nous féliciter, que devons-nous penser du fait que parallèlement à cette libération des pulsions nous constations, dans notre expérience de la cure, que ces sujets nouvellement libérés quant à leur jouissance, s'avèrent si souvent en panne envers ce qu'il en est de leur rapport à la parole ? Tout ne se passe-t-il pas comme si les brèches faites dans la censure sociale ouvraient l'accès à une nouvelle jouissance de masse mais au prix de fermer l'accès à la parole singulière ?
La souffrance contemporaine –dite dépression- apparaît ainsi comme l'expression d'une jouissance muette qui ne disposant plus du mot, renvoie le sujet à une solitude liée à l'abdication de sa subjectivité de « parlêtre ». »
(Alain Didier-Weil, LA PSYCHANALYSE, LE POLITIQUE ET LE PARADOXE DES LUMIÈRES, Communication faite à l'Agora le 25 mars 2004)
http://www.oedipe.org/fr/actualites/agora%20alain%20Didier-weill
Je ne partage pas l'analyse que faisait ce jour-là Alain Didier-Weill des différentes positions institutionnelles, j'y vois une sorte de forçage et le reçois comme provocation à repenser l'institutionnel analytique à partir de chaque position subjective. On pourra prétendre que je ne veux voir là que ce qui sert mon propos. Toujours est-il qu'on ne pourra certainement pas reprocher à Alain Didier-Weill d'abdiquer, dans ce propos, de sa subjectivité de parlêtre. Il nous donne, dans ce passage, une interprétation de la dépression, « souffrance contemporaine », comme conséquence d'une position, morale, d'abdication de la subjectivité de « parlêtre ». C'est une position incontestablement lacanienne, foncièrement freudienne.
La question est de savoir discerner entre une abdication qui serait signe de la « maladie » ou sa cause. Faire de cette abdication un signe plutôt qu'une cause revient à disculper le sujet de toute causalité quant à ses humeurs. Mais, à extraire un sujet du répond et de la responsabilité pour lui infliger une causalité sur laquelle il n'a aucune prise, il y a un effet mécanique dépressiogène. C'est ainsi que je reçois cet énoncé, communiqué du Nouvel Ane, « LNA 7 est paru. Il entame une contre-campagne dirigée contre la “campagne dépression” qui se déploie actuellement à la télévision, à la radio, dans la presse. Après étude, nous la tenons pour irresponsable, dangereuse, et, ce qui ne gâte rien, ridicule. »
Le ridicule tue, disait Lacan; c'est la seule raison de prendre cette campagne au sérieux.
DK
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