lundi 3 septembre 2007

Autisme, diagnostic et pronostic, ou diagnose?


Je vous présente là un point de vue, étant entendu qu'il y en a beaucoup d'autres.


En psychanalyse on ne s'occupe pas de poser un diagnostic, parce qu'il induit un pronostic, parce que les gens sautent sur des dictionnaires et ce qui arrive généralement, c'est qu'ils se conforment à ce qu'ils lisent, par amour du médecin, -ils sont patients, ce qui ne fait rien avancer-. Un psychanalyste écoute. Lorsqu'on vient à lui avec un diagnostic d'autisme, le diagnostic a été posé ailleurs, et a peut-être parfois provoqué des aggravations, au sens d'un état qui reste stable puisque c'est ce qui confirme le mieux le diagnostic.


Que peut faire un psychanalyste mis en présence d'une personne qui lui est présentée comme autiste? Tenter de rentrer en contact, et cela ne marche pas toujours: ce n'est pas parce que la famille à des attentes qu'un transfert peut s'établir avec quelqu'un.

Les histoires sont trop différentes pour que l'on puisse en tirer quelque chose comme une généralité. La nosographie nomme l'autisme mais ne nomme pas sa cause; l'autisme est un comportement, ce que l'on en sait d'autre n'est qu'un certain nombre de suppositions dont certaines sont forcément erronées puisqu'elles sont contradictoires. Je ne pense pas que l'autisme existe, à proprement parler, comme entité clinique; je pense que la nosographie nomme ainsi un syndrôme qui peut avoir des causes très diverses, dont parfois biologiques, comme dans les situations où des lésions neurologiques ont été constatée.


La psychanalyse peut elle améliorer les choses? Dans la plupart des cas oui, et ce n'est pas toujours dans le sens d'une guérison, mais parfois seulement d'un allègement de la souffrance causée par l'autisme, chez son "dépositaire" comme dans son entourage. Il s'agit de quelque chose à quoi les psychanalystes ont peu affaire, -j'ajoute, malheureusement-. Il me semble qu'on peut tout à fait dire que toutes les théories qui se sont présentées comme psychanalytiques à propos de l'autisme sont entachées d'une erreur épistémologique, dans la mesure où si l'autiste fait cas, l'autisme ne fait pas entité en psychanalyse. C'est un point qui est en général tenu dans l'ombre lors des débats.


La question de la culpabilité ressentie éventuellement par les familles: on fait du psychanalyste la cause, le producteur de cette culpabilité, alors qu'il n'en est sans doute que l'occasion, mais cela, c'est très difficile à faire entendre, parce qu'il est constatable que, travaillé par des reliquats de transfert, un psychanalyste peut n'être pas parfois aussi neutre et aussi futé que la situation l'exige.


Pour autant, "la psychanalyse" ne préconise rien, pas plus qu'ailleurs; on peut tout de même consulter un psychanalyste pour cette raison comme pour toute autre; certains acceptent de s'y frotter, et ce n'est pas facile, loin de là, la décision à prendre est souvent de se ne pas trop vite s'identifier à la position de « parent d'enfant autiste » dans ce qu'elle a de normalisateur; et comme toujours, consulter un psychanalyste suppose qu'on veuille bien le créditer de la masse de confiance qu'on accorde sans barguigner aux autres spécialistes: ce n'est pas la psychanalyse qui opère, c'est le psychanalyste qui laisse passer le "patient" d'une position à une autre, et cela non plus ne doit pas être oublié.


Cordialement,


Didier Kuntz



PS: mise à jour et adjonction du 13/12/2007


On peut trouver à cette page de LTA un tour d'horizon des différentes réactions publiques à propos de l'autisme. Il semble que les pouvoirs publics se lavent publiquement les mains d'une situation qu'ils ont largement contribué à créer en laissant de côté les avis des psychanalystes les mieux avertis, pour se contenter de recueillir les on-dits qui leurs sont attribués. On peut ainsi reprocher à la psychanalyse, à ses théories ou à ses praticiens tout ce que l'on reproche au bouc émissaire de l'autisme et de l'autiste. Pour ma part, j'ai eu à travailler avec des enfants qualifiés d'autistiques, ainsi qu'avec leurs proches, et cela m'arrivera encore aussi souvent que l'on me consultera pour cela.

J'ai pu constater régulièrement l'effet de coup de massue asséné par le diagnostic d'autisme; j'ai constaté aussi que ce diagnostic témoignait, plus que d'un quelconque savoir clinique, d'un embarras face à l'aspect inabordable du patient dans sa relation à l'institution et/ou au psychiatre; d'un embarras face à la décision de traitement ou de placement qui s'impose parfois dans la hâte précipitée par l'angoisse de l'intervenant interpellé à une place de soignant, voire de prestataire de solution urgente; d'un embarras enfin face à la responsabilité d'énoncer, en même temps qu'un diagnostic, un pronostic écrasant sur l'évolution pressentie du patient.

Ce diagnostic, régulièrement, est posé sans calcul de ses effets sur la personne ou son entourage, dans la certitude de sa fiabilité tant que de celle du package de soins qui l'accompagne, d'où la psychanalyse autant que le recours à un psychanalyste sont imparablement exclu: d'où je pose que l'exclusion du recours au psychanalyste est la condition nécessaire à la production des symptômes classés dans l'autisme. Ceux qui veulent comprendre le comment et le pourquoi peuvent en trouver une présentation logique dans le livre que j'ai écrit, "les prolégomènes pour la psychanalyse", comme je l'appelle, dont on trouvera une trace sur ce blog ou ailleurs.

Je suis donc amené à redire ceci: là encore, dans ce tour d'horizon sur l'autisme, on oublie une chose, -parce c'est toujours plus difficile de remarquer une absence au milieu de la multitude de présences bruyantes-. C'est que l'on n'a pas encore entendu de psychanalyste énoncer son indifférence, ou son impuissance, face à l'autisme, à l'autiste ou à son entourage: on n'a entendu que ses accusateurs. Et on n'entendra pas, pas avant longtemps, que l'autiste lui-même, du fond de sa plainte, et dans son expression même, est le défenseur du psychanalyste et de sa psychanalyse.

Voilà ce qu'il m'a été donné d'entendre, dans mes contacts avec des autistes. Et pour être juste, il faudrait savoir ne pas empêcher le défenseur rencontrer celui que, par son symptôme, il défend, commis d'office, sans doute, il est vrai, par son symptôme.

Dans son dernier séminaire, intitulé "le moment de conclure", au moment de conclure, donc, une très longue et très riche expérience de parturient et de praticien de psychanalyse, que dit Lacan? Il dit: "L'important est que la science elle-même n'est qu'un fantasme; ... et que l'idée d'un réveil, soit à proprement parler impensable; voilà ce que j'avais à vous dire aujourd'hui." (*15 novembre 1977*).

Je laisse ceci en état; le lecteur pourra s'enquérir de ce qu'il y existe, ou non, quelqu'un qui puisse, avec des faits concrets me concernant, (ou concernant quiconque), infirmer la capacité que je prétends, (ou que prétend quiconque), relativement aux personnes concernées par un diagnostic d'autisme, de recevoir la personne et sa vérité. Chercher à savoir, en tel cas précis, qui peut ou non quoi, sera plus utile et individuellement et collectivement, aux autistes, que les grandes déclarations générales qui pêchent au chalut sur les grands fonds de la souffrance humaine déjà raclés à mort par la médecine épidémiologique.

Merci de votre attention.

13/12/07 - DK



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