Zwichen le p'tit Hans - une lecture transverse de la présentation freudienne et de ses élisions.
Pour Félix, à la suite de notre discussion, il y a quelques jours, à Strasbourg, sur les «Cinq psychanalyses 1» de Freud, il faut bien réexumer ce texte d'où il gisait 2, pour marquer le coup ; tu verras, cher Félix, un bref exemple de cette tour de Babel que produit la rencontre de personnes qui sont prises dans des traditions où les codes de lectures sont différents; mais, tout de même, cette résurgence que je provoque de cette discussion qui a eu lieu, il y a quelques années, c'est dans l'espoir que cette fois-ci il y aura quelques personnes pour télécharger les deux pages d' Oedipe, qui en représentent environ vingt cinq en format habituel, et lire l'ensemble, très savoureux, des interventions : pour nous avoir permis ces échanges, encore un grand merci à Laurent Le Vaguerèse, avec mes meilleurs voeux pour son site 3 cette nouvelle année.
Et il se trouve, petite touche de nonsense de lune-bévue, que cette publication se produit exactement deux ans après celle d'Oedipe ? Ce n'est pas que de la suite dans les idées, mais aussi que pour une raison ou une autre, les dates fassent signe ...
8/01/06
Zwischen le p’tit Hans.
Je salue bien Michel Luciani dont je n’avais pas lu la plus récente réponse à Serge Hajlblum au moment d’envoyer « durch le p’tit Dick ». Avec une question : comment traduirait-il « abzugswehren », au cas où l’erreur de frappe de Serge Hajlblum aurait respecté l’homophonie du texte qu’il a reproduit ? La question de la traduction de Freud a évidemment quelques particularités du fait des conséquences de la traduction sur l’interprétation rendue possible ou laissée de côté par les choix de traductions, si éclairés soient-ils.
Les règles de composition de mots en allemand ne posent pas particulièrement de problèmes sinon de fluidité de la langue à la traduction ; il s’agit de génitifs marqués par la suppression de l’espace entre les mots, le second étant soumis au premier, qu’il s’agisse d’appartenance ou de complémentation partitive. De sorte que si le « s » de « Vorstellungsrepräsentanz » est effectivement un « Fugen-s » et non la marque d’un génitif saxon, il ne paraît pas que le traduire par « représentant-représentation » comme font Laplanche et Pontalis soit plus particulièrement exact ou limpide que les termes de « représentant de la représentation » …
Je voudrais cela dit en revenir à ce qui fait l’intérêt de cet échange, à savoir la question de savoir comment lire Freud, traduit ou non.
Je pars de cette remarque : l’élision du (l) de « klein », dans la transcription qu’en fait Freud « zu k(l)ein, zu k(l)ein », fait apparaître qu’il y aurait eu une sorte de forçage de sa part, à introduire ce (l) élidé à son entendement, pour tirer l’interprétation du côté de la comparaison phallique. L’hypothèse d’un frère plus âgé, incapable de prononcer cet « l », me semble en effet relativement improductive.
On peut également penser que cette élision de sa part aurait été une marque d’ironie, à la fois une moquerie adressée à son jeune frère pour le faire enrager de sa maîtrise imparfaite de la prononciation, également l’évocation du « Zuglein », du petit train qui était peut-être l’objet du désir du petit Hans, plutôt que le cheval de bois offert par son parrain, à la place d’une girafe autrement plus proche du singe (« Giraffe, Gir-Affe ») . L’intérêt de ce jeune garçon pour les tramways, (wegen Wagen), ne laisse pas de doute sur la présence signifiante de l’expression « die Pferde hinter den Wagen spannen », (« entraver le cheval à l’arrière de la voiture », soit « mettre la charrue avant les bœufs ») ; surtout si l’on veut bien se souvenir qu’il existait encore des tramways tirés par des chevaux, ou placés à l’intérieur d’un wagon (« Wagen ») sur une bande roulante. Sans doute peut-on se hasarder (« sich wagen ») à dire que Freud monte sur ses grands chevaux, («sitzt sich aufs hohe Pferd »), en laissant tomber le « Zug » ; le reprendre donnerait ceci :
Soit
« Zuglein Zuglein Zuglein Zuglein… »
(petit train petit train petit train)
soit
« Zug kein Zug kein Zug kein Zug… »
train pas de train pas de train pas de train…)
où l’on entend très bien le tchouc tchouc caractéristique du « Strassenbahn », (tramway électrique), qui manque au « Pferdebahn », (tramway à chevaux). Alors que disait-il, le grand frère, outre le sens que Freud attribue ?
Entre (zwischen) le p’tit Hans et Freud, il y a la question que pose cette élision du « l » ; parce que si l’on élide cette même lettre dans le nom donné par la traduction à ce qui fait cas pour Freud, on tombe sur une autre question. Freud n’écrit pas « le petit Hans », le titre est autre; eût-il procédé à la même élision dans l’écriture du cas, nous nous serions confronté à « der k(l)ein Hans », au « pas de Hans », au fait que l’apparition de Hans tient au désir de ses parents : Freud n’est pas sans lui répondre, « j’ai toujours su qu’un jour… ».
À la manière dont Hans traitait son père dans ses moments de rage, « toi table, toi chaise… », peut être son frère l’assigne-t-il au train, au petit train, au petit, au klein, au rien, au kein. Du moins les traductions ne nous laissent elles pas ces potentialités fermées (zu) ; on peut espérer qu’elles ne nous laissent pas fermés au p’tit (rien), (« zu k(l)ein »).
Parce qu’à donner ces « l », Freud, qui ne les a pas entendus, ouvre plus tard ses portes à Mélanie Klein, qui se précipite dans l’ouverture faite par la psychanalyse naissante à la notion d’équivalence symbolique, notion bien évidemment forcée et qui mène au forçage, puisqu’il n’y a d’équivalence qu’imaginaire, et d’ordre que symbolique. La confusion se produit sur l’assimilation de la réflexivité à la symétrie, alors que la distinction s’opère entre symétrie et anti-symétrie. C’est peut-être embêtant de rappeler ici ces notions dans leurs sens mathématiques, mais en tout cas cela ne nous fera pas perdre l’associativité de lalangue…
Ce qui revient à dire qu’on ne peut plus guère traduire Freud après Lacan en omettant ce qu’il rappelle du travail de la langue, si l’on cherche à traduire ce que Freud nous dit de l’inconscient. Voilà, c’est une question, là, sur le tapis. Une question de « profane » 4.
D.K.
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1http://fr.wikipedia.org/wiki/Cinq_psychanalyses
2En fin page à cette adresse : http://www.oedipe.org/forum/read.php?8,7750
3http://www.oedipe.org/fr/accueil
4http://www.manifestepourlapsychanalyse.org/archives.htm
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