mercredi 2 juillet 2008

Arrêté délire l'article 52

Comment faire état simplement d'une réaction à quelque chose d' aussi insaississable qu' un « projet d’arrêté subséquent au projet de décret d’application de l’article 52 »?


Ou bien le lecteur sait de quoi il retourne, tel que je le suppose, à savoir pas forcément tombé par hasard sur ce billet du blog, mais venu ici par curiosité pour pêcher une réaction énoncée au milieu du grand calme plat collectif autour de cette nouvelle action; ou bien le lecteur ne sait pas, auquel cas il lui est humblement demandé de suivre le lien indiqué plus haut vers le site LTA. Cette nouvelle action administrative d' écriture est-elle simplement destinée à mater la folie à la manière policée du discours du maître, qui n' a guère de souci des effets de son énonciation, dès lors que ceux qui le portent n' ont d'autre souci que d' effacer toute trace d' alternatives ? Ou cet acte d' écriture ne vise-t-il qu' à contourner de manière phobique la question de la folie en générant une façon de redresser les esprits ?


Je vais, par artifice d' écriture, supposer que le rédacteur dudit arrêté est un rédacteur naïf, qui ignore par vocation autant que par acharnement volontaire toutes les conventions qui ont cours à l' intérieur du domaine psy, à commencer par celle qui consiste à bien vouloir prendre en considération de manière forte et ferme, que le savoir concernant ce champ, n'est qu'une convention, un tissu d' hypothéses cohérentes et tenables ; et puis, de manière secondaire, que cette convention de savoir se construit sur la reconnaissance implicite du fait que ce savoir est relatif au fait même du langage ; et que ce fait même du langage conduit à formaliser une distinction de fait entre la chose et le signe qui la conditionne ; de sorte qu' il ne peut qu' échapper à ce rédacteur naïf qu' il traite du signe alors même qu' il est convaincu de traiter de la chose, par la manipulation des signes à laquelle il se livre, pourtant impuissante à l' encercler, et même de loin.


C' est cette impuissance même qui conduit ce rédacteur naïf à répéter jusqu' à plus soif son assise sur la vague et floue notion de « trouble » ; faut-il qu' ici je cite ? Fort bien :


« — Une capacité de discernement des grandes pathologies psychiatriques :

C’est-à-dire la connaissance des grandes entités psychopathologiques aux différents âges de la vie, avec la capacité de repérer les troubles psychopatologiques. La connaissance de la symptomatologie relevant de ces différents troubles. Aptitude à reconnaître, d’une part, les troubles qui apparaissent aux différents âges de la vie, à savoir les troubles de l’humeur, les troubles anxieux et les troubles psychotiques ; et d’autre part les troubles spécifiques d’une période de la vie. Ainsi, pendant l’enfance et l’adolescence : connaissance des troubles envahissants du développement, des troubles des acquisitions, du retard mental ; connaissance des troubles des conduites, des conduites de dépendance ; à l’âge adulte et au cours du vieillissement : des troubles de la personnalité ; de l’évolution de ces différents troubles, mais également des états confusionnels et des états démentiels. Il est également attendu des connaissances approfondies des conduites addictives, des différents troubles psychopathologiques post-traumatiques ou consécutifs à une atteinte somatique (par exemple : cancers, maladies infectieuses, maladies neurologiques, diabètes, …). »


En somme c'est bien simplement qu' est tracée la différence entre le normal et le pathologique : quand quelque chose ne va pas, c' est trouble, et alors là il y a quelque chose que le psychothérapeute devra connaître, et c' est la nature de ces troubles. Et ce bien ententendu, à la lumière de la capacité de discernement des « grandes pathologies psychiatriques » ... Quant à la texture des connaissances du psychothérapeute, elle est laissé au flou :


« — Une connaissance des fonctionnements et des processus psychiques :

Qui comprend la connaissance du développement normal de la naissance jusqu’à la fin de la vie, en passant par les grandes étapes du développement, à savoir le bébé, l’enfance, l’adolescence, l’ âge adulte et la vieillesse. Les différentes étapes des développements affectif, comportemental et cognitif doivent être connues. La connaissance des déterminants psychosociaux des comportements individuels, notamment des phénomènes d’ influence et de manipulation d’ autrui. Une connaissance des grandes fonctions comportementales, motrices et cognitives est également nécessaire. De plus, il est attendu que la démarche adoptée soit une démarche intégrative, c’est à dire qu’elle aborde ces notions selon différentes approches, qui seront considérées comme autant d’ éclairages distincts, sans se cantonner à un seul point de vue théorique. »


Fonctionnement, processus, étapes du développement, bébé, enfance, adolescence, etc, étapes des développements, etc, etc... sont posés là comme des objets de connaissance, mais des objets dont le statut est d' être posés ici comme des objets réels et non comme les faits de discours qu' ils sont... C' est de ce fait même que la psychanalyse se trouve intégralement révoquée, que la psychanalyse lacanienne se trouve implicitement et très malproprement éconduite, même si l'on songe à la faire rentrer par toutes petites doses par la fenêtre, lorsqu' on aura trouvé comment l' ouvrir. Tacitement la psychanalyse est considérée comme ce dont il faut détourner le psychothérapeute.


Je ne vois pas comment il serait possible de discourir de ce projet d' arrêté sans durcir et le ton et la portée de la critique. C'est à vrai dire un travail ingrat, de forçat, de bagnard, auquel je ne vois pas pourquoi et au nom de quoi m' astreindre, pour la portée d' efficace que je constate lorsque je lis la progression de ces écritures ; mes collègues étant par ailleurs tout à fait aptes à en prendre par eux-mêmes la mesure.


Il me suffira de souligner que dans ces dernières et différentes étapes de construction de la profession de psychothérapeute, les services du ministère et des différentes administrations dépassent en cauchemardesque les pires de nos prévisions les plus pessimistes. Oui, ces écritures sont des provocations permanentes, un véritable harcèlement contre les professions s'occupant des folies, auquel jouent les services de l'Etat. Pour leur propre bénéfice, c'est la conclusion implacable qui s' en tire. Oui, chaque détail nous révèle la volonté de manipulation des esprits par ces services dont on ne voit ni les racines ni les objectifs, sinon qu'ils sont contraires aux valeurs fondatrices de cette république. Oui, nous constatons que la « sensibilisation à l'éthique » prévue par ce projet d' arrêté ne dépassera jamais celle des promoteurs de cette écriture ; qui en ignorent jusqu'aux prémisses.


Pour ma part, j'inciterai volontiers les rédacteurs naïfs de cette nouillerie délirante de réserver leur talent à l'écriture d'articles dans des magazines de psychologie grand public, puisqu' à l' évidence ils ont le niveau requis pour comprendre le salmigondi new-age qu' on y trouve, mais pas plus. Mais qu' ils épargnent leurs concitoyens de subir les effets de leurs incompétences jumelées en matière juridique, (voir LTA), et scientifico-académique.


DK


PS du 6 juillet: voir aussi http://www.lta.frdm.fr/-Chronica- où l'on trouvera la matière qui provoque ces réflexions ainsi qu'un lien vers la récente prise de position de Jacques-Alain Miller dans "Le Point".

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