samedi 22 novembre 2008
ENTRETIENS D’ACTUALITÉ - CPCT
Une contribution au travail de l' ECF sur les CPCT le jeudi 20 novembre 2008
De la misère à l’ivresse du pouvoir
Très cher JAM,
Cela a été pour moi une bonne surprise, un soulagement, qu'il y ait une réaction au recouvrement momentané, mais problématique, de l'école – son fonctionnement, sa structure hiérarchique – par le mouvement en spirale des CPCT et de leurs promoteurs.
Manque et misère
Cette spirale est déterminé par l'emplacement de son point central, qui est la misère, finalement l'aporie, le manque.
ça manque. ça manque de lieux pour entendre pour les institutions et pour le social – ça manque de psychanalyste pour les victimes de l'exclusion générée par la structure des différents lieux d'accueil – ça manque de patients pour les jeunes ou les futurs psychanalystes – ça manque de vitrine d'exposition pour la psychanalyse, de lieu d'épreuve du discours analytique à opposer méthodiquement aux évaluateurs – ça manque de lieu pour dire l'utilité de la psychanalyse et sa loyauté à l'égard de la société et de ses lois – et, pour finir, ça manque d'argent pour faire tourner les CPCT.
Cette question de l'argent, par le biais de la subvention, a été le point exquis qui a révélé la limite à partir de laquelle les CPCT courent le risque de sortir du discours analytique pour répondre à la demande sociale, institutionnelle étatique, et à son hystérie de l'urgence.
Voilà pourquoi ces Entretiens sont très précieux : ils nous montrent que les acteurs des CPCT ne sont pas massivement prêts à faire le "n'importe quoi" de convenance pour laisser les CPCT se développer à la manière de nodules cancéreux, ainsi qu'il est attendu.
Impossible de former du psychanalyste à partir des CPCT
Il n'est pas très étonnant que la question de la différence ou de la limite entre la psychanalyse pure et la psychanalyse appliquée pointe immédiatement le bout de son nez, puisqu'il est impossible de former du psychanalyste à partir des CPCT, même si ces lieux peuvent se trouver sur le parcours de la formation de psychanalystes.
Après tout, il y a vingt ou trente ans, lorsque nous commencions à exercer, beaucoup d'entre nous se sont trouvés dans la situation d'avoir à opérer des déplacements de leur pratique, et cela a permis qu'un psychanalyste soit présent dans des cadres pas tout à fait ad hoc (formation, actions auprès de publics ciblés), mais pourtant compatibles alors avec l'accueil et l'opérativité de certains registres imaginaires et symboliques. Des psychanalystes étaient là à l'oeuvre pour provoquer les sujets à sortir de cette position de plaideurs souffrants à laquelle contraignent certains lieux d'accueil (de vie, de soins, d'entraide, de rencontre...
Par la suite, de nouvelles exigences institutionnelles d'évaluation, de chiffrage, d'affaiblissement des coûts, se sont interposées entre eux et ces publics (à la fois causes et cibles de toutes ces interventions)
Les psychanalystes disparus
J'ai eu l'occasion de discuter avec Jean-Pierre Klotz, qui est passé me voir il y a quelques jours. Je lui ai dit que je pensais que vous aviez quelques coups d'avance, que vous vous doutiez de l'évolution que suivraient les CPCT.
En effet, on connaît les fonctionnements sociaux au niveau de la demande de subvention – qui s'effectue au coup par coup, où il s'agit de monter des coups pour des publics très restreints et de dénomination précise. Et ce sont les conditions mêmes qui ont provoqué la disparition des psychanalystes un peu partout depuis vingt ans.
On voit bien ce qu’a coûté à la psychanalyse l'erreur faite par Michel Rocard, en signant les décrets d'applications de la loi de 1985 : elle a pour effet que fort peu de psychologues se dirigent vers la psychanalyse, et qu’ils le font plus tardivement, avec une capacité de lecture sans doute moins bonne. Massivement, ils se dirigent vers les TCC qui les digèrent en deux ans.
Jean-Pierre m'a dit que vous n'aviez pas particulièrement prévu ou anticipé ce qui se passe. Quoi qu'il en soit, vous avez réagi au bon moment et au bon endroit. J'ai bien aimé l'argument des Lyonnais, small is beautiful, et qu'on les laisse rester petits...
Argent et vérité
Les CPCT ont fait apparaître que le scandale, le point de butée, c'est le fait d'avoir quelque chose à payer de sa poche pour rencontrer quelqu'un qui puisse être un opérateur de changement. Ce fait, il va falloir réussir à l'intégrer dans une réflexion globale sur la place de l'argent dans la symbolisation du désir au niveau des idéaux collectifs.
En effet, courir après les subventions, (une fois enrayé les processus de prolifération cancéreuse), n'est rien d'autre qu'un acting out. Quelle est la situation ? Le sujet se refuse à payer pour son désir, et tous les acteurs du système lui mentent – le psychanalyste aussi – en soutenant qu’il peut s’en passer, le conduisant ainsi à la misère, ou l’y fixant – j'ai assez travaillé dans le milieu de la misère pour le savoir. Cela conduit le sujet à se défausser de la vérité de son symptôme, même si le psychanalyste prétend qu'il ne saurait en être question.
C’est en fait un tour de passe-passe entre manque et profit : on vise un profit pour la psychanalyse au prix d'un relâchement éthique. Le sujet devient juste l'occasion de faire savoir que la psychanalyse existe, il ne sert qu'à sa représentation.
Pour produire cette publicité, on se met à courir derrière le plus-de-jouir de la subvention. Cela rapporte à l'Etat une tranquillité certaine du côté des psychanalystes, les subventionnés du moins – et les autres, on les oublie.
C'est à cela que, très salutairement, vous avez réagi, je crois. Est-ce qu'on en est toujours et encore à se compter?
L’ivresse du pouvoir
Vous avez réagi au bon moment et au bon endroit – mais qui d'autre, ayant réagi, aurait été entendu ?
Je me demande aussi quelle est la part de normalisation que votre intervention provoque en questionnant la dérive.
C'est tout de même franchement infect que la fuite en avant dans le "struggle for life" institutionnel ait pu avoir lieu dans des CPCT, où pourtant toutes les conditions de reprise, de contrôle et d'analyse sont en place. Cela fait bien voir que les CPCT peuvent être de l'Ecole, mais que l'Ecole ne peut être réduite aux CPCT, ni chienne, ni soumise.
De manière plus générale, il est tout de même remarquable que les problèmes de pouvoir et d'ivresse du pouvoir prennent autant de place dans l'Ecole.
Vu de loin, on dirait que dans l’École, le savoir n’est qu'un outil adéquat à acquérir du pouvoir. Et, comme toujours dans ce cas, c'est un pouvoir qui ne sert qu'à maintenir un semblant à la place du manque-à-savoir.
C'est une caractéristique de cette École, non? Et qu'il faudrait changer, je crois.
Bien à vous.
Publié par Didier Kuntz à samedi, novembre 22, 2008 0 commentaires
Libellés : alliance thérapeutique, forum psy, habilitation, Lacan, politique de la psychanalyse, savoir clinique en question
dimanche 27 juillet 2008
linge sale en famille
Publié par Didier Kuntz à dimanche, juillet 27, 2008 0 commentaires
Libellés : images
Le ventre
Voici un extrait du communiqué concernant l' usage du titre de psychothérapeute destiné au Président de la République, au Premier ministre, à M. Accoyer, Président de l'Assemblée nationale, au ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi qu' aux présidents des commissions des affaires sociales des trois assemblées.
On peut lire l'intégralité de ce communiqué sur le blog Buvard & Désencré à cette adresse:
http://buvard-desencre.blogspot.com/2008/07/les-psychiatres-et-larrt.html
Extrait :
«Communiqué :
Position de la majorité des organisations représentatives des psychiatres, sur les projets de textes concernant l’usage du titre de psychothérapeute
La récupération sur le plan réglementaire de l’usage du titre de psychothérapeute à des fins de planification économique du soin psychique n’apparaît plus comme un risque, mais comme un projet délibéré. Le « psychothérapeute » s’y inscrit comme le maillon d’un système de sous-traitance « low cost » de toute souffrance psychique. Dans un tel système, le psychiatre se verrait réserver le rôle d’expert, prescrivant au besoin des psychothérapies dont il n’aurait pas lui-même la pratique. »
Si les prises de position des psychanalystes pouvaient être prévisibles, plus ou moins, il est particulièrement notable que les organisations de psychiatres s' expriment sur un projet de planification du soin psychique, reconnu comme fait, dangereux, et repoussé, et partagent l'analyse politique faite par les psychanalystes qui se sont exprimés. Le fait de cette prise de position apparaît d' autant plus méritoire sur le fond du silence de beaucoup d' associations de psychanalyse, et d' autres prises de position pas toujours pertinente dans leur fondement ou revendication (1).
Evidemment il est clair pour tous à présent que les services ministériels ont opposé dès le départ une règle de surdité dépourvue de la moindre ambivalence à l' encontre des associations qui ont tenté malgré tout d' exposer les contraintes que l' éthique fait subir à des pulsions de soin débridées composées pour une bonne part de jouissance sado-maso.
Alors, pourquoi précisément les psychanalystes n'ont-ils pas réussi à se faire entendre ? Ventre affamé n'a point d' oreille ?
DK
1. Voir à ce sujet sur LTA : 20080406-Note-3-sur-Psychanalystes-et-leurs-Associations.doc , à titre de rappel...
Publié par Didier Kuntz à dimanche, juillet 27, 2008 0 commentaires
Libellés : pulsion de mort, savoir clinique en question, virtualisation du corps
jeudi 24 juillet 2008
Du Nouvel Âne.
Le Nouvel Ane annonce la parution de son numéro 9 qui sera diffusé à partir de septembre. Quelques extraits visibles à cette adresse:
http://www.lnaglobal.org/
Dans ce contexte actuel si déplaisant, (voir Université de Psychanalyse ci -dessous), une goulée d'air indispensable en ce temps d'étouffement.
On peut également s'informer en lisant les quelques livres proposés ici, dont la version papier de ce blog, dont le numéro trois est en préparation.
J'admirais hier la pugnacité du SIUEERPP dans son adresse à Bernard Accoyer: ce dernier va-t-il se révéler féal et authentiquement porté par une volonté de vérité, dans son intention de protection du public? Ou bien le Président de l'Assemblée Nationale va-t-il, de son perchoir, dénoncer les engagements de fidélité pris envers les victimes, qu'il prétend si nombreuses, des charlatans dénués de diplômes hébergés par la laxité de l'administration envers les psys? Là où chacun s'étonne de voir avec quelle facilité les diplômés se transforment en charlatans dès qu'ils abordent le domaine psy, s'octroyant des titres inexistants d'expert ou de spécialiste en telle matière d'enfance, d'adolescence, de tel symptôme, Bernard Accoyer reste persuadé que ce sont les quelques sous-diplômés qui génèrent tant de plaintes si évidemment fondées... Alors, Accoyer ira-t-il jusqu'à se ranger derrière ceux dont la volonté de nuire à la psychanalyse est évidente et déclarée, en se protégeant derrière la grille du silence ou pire, du faux-fuyant en réponse à cette interpellation publique?
Eh bien voilà, parmi les surprises que l'été nous réserve, (1- que va-t-il advenir de l'enseignement de psychanalyse dans les universités, 2- comment les associations de psychanalyse vont-elles se positionner par rapport à la nouvelle université de psychanalyse, 3- qui est Bernard Accoyer révélé à la lumière de l'interpellation du SIUEERPP?), de quoi méditer en se préparant à l'action, puisqu'il y a un point de non-retour après lequel les mouvements vont se précipiter, on le souhaite de manière cohérente et organisée, structurante pour l'avenir de la psychanalyse et des dimensions de la culture avec lesquelles elle est en prise directe, (fait qui semble bel et bien avoir été totalement négligé par ses adversaires aveuglés par la haine et guidés par la bêtise.
DK
Publié par Didier Kuntz à jeudi, juillet 24, 2008 0 commentaires
Libellés : forum psy, politique de la psychanalyse, psychanalyse à l'université, psychanalyse lacanienne
mercredi 9 juillet 2008
Université de Psychanalyse
Communiqué
commentaire:
(12/07/08)
A nouveau dans sa déclaration transcrite dans le Point avec quelques modifications, Bernard Accoyer reprend son thème du « vide juridique », que l'on retrouve aussi bien dans la version « originale » que dans celle parue dans le Point. Il y a certainement un glissement, une nuance qui enfin est venue troubler d'une ride le lisse très travaillé du discours de B. Accoyer : en effet il est là clairement énoncé que le « vide juridique » dont parle cet homme qui a décidé de prendre en charge la pensée collective et de créer un corps de métier destiné a en corriger les défauts, concernerait le fait de ce qu'il dénomme une « autoproclamation », alors qu'il est évident pour tous qu'il s'agit d'une déclaration auprès des institutions publiques, (Trésor, Impôts, Sécurité Sociale, Insee...). Qu'il n'y ait pas eu lieu de présenter un diplôme, (inexistant) de psychothérapeute pour exercer, personne jusque là n'avait eu lieu de s'en faire un cheval de bataille. Il semble que s'en prendre au corps de métier le plus fragile, qui est celui qui s'occupe des personnes les plus fragiles, et ce au nom des associations de parents et/ou de « personnes fragiles », soit politiquement des plus payant. Chacun se doute bien qu'il y a eu là un certain nombre de manipulations de ces populations, véritablement blousées à cette occasion. Jusque là, il avait semblé que le vide juridique portait sur la protection des personnes, et sur une certaine difficulté de recours, qui reste à mettre en évidence par autre chose que de vagues déclarations de portée générale qui noient le poisson.
Je vous laisse apprécier la présentation des arguments d'intention, si possible, à la lumière de l'article freudien « die Verneinung », « la dénégation »; vous apprécierez particulièrement ce passage qui justement a été modifié, dont on voit ce que chaque version cherche à masquer, sans y aboutir, pour une raison spécifiquement freudienne :
« Ne prétendant ni encadrer la prise en charge psychologique, les psychothérapies, ni remettre en cause en quoi que ce soit la psychanalyse, le législateur a souhaité combler un vide juridique »...
« Qui veut la mort des psys ? Certainement pas le législateur ! Ne prétendant ni encadrer la prise en charge psychologique, ni remettre en question, en quoi que ce soit, la psychanalyse »...
On appréciera...
version originale :
« Ne prétendant ni encadrer la prise en charge psychologique, les psychothérapies, ni remettre en cause en quoi que ce soit la psychanalyse, le législateur a souhaité combler un vide juridique par lequel tout un chacun peut, en France, s'autoproclamer psychothérapeute et visser sa plaque. Or, qui peut souhaiter que des personnes en souffrance psychique, psychosociale ou psychopathologique, se confient à n'importe qui, sans aucune garantie de formation ni de compétence? »
....
version parue dans le Point n° 1867 du 10/07/08 :
« Qui veut la mort des psys ? Certainement pas le législateur ! Ne prétendant ni encadrer la prise en charge psychologique, ni remettre en question, en quoi que ce soit, la psychanalyse, le législateur a souhaité par la loi du 9 août 2004 protéger les personnes, en comblant un vide juridique par lequel tout un chacun peut s'autoproclamer psychothérapeute, sans aucune garantie de formation ni de compétence.
« Les victimes de ces psychothérapeutes autoproclamés se comptent en France par milliers. Par incompétence ou par appât du gain. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, les familles de malades, les associations de victimes ne cessent de le répéter. C'est uniquement à cela que le législateur a entendu remédier. »
Depuis cinq ans Bernard Accoyer nous répète le même argument, à savoir qu'il se compte des milliers de victimes; il est malheureux que cet argument précisément ne doive justement pas conduire à ce que ces personnes en situation de fragilité ne deviennent victimes de personnes proclamées psychothérapeutes par l'Etat, et ce au mépris des professions concernées par la chose psy, et qui sont très loin, dans l'ensemble, de cette description du professionnel autoproclamé par appât du gain. Il est très étonnant qu'en cinq ans Bernard Accoyer n'ait rien voulu entendre ou retenir des réponses qui lui ont été faites par les personnes mêmes qui sont celles aptes à lui répondre. Et au contraire, voilà-t-il pas qu'une fois de plus les professionnels du travail psychique se trouvent mobilisés contre ces institutions sensées les accueillir sur le constat fait que ces mêmes institutions agissent à l' opposé de ce qu' il est convenu de cerner comme geste utile à la résorbsion d'une situation déjà critique. Il semble bien que les services ministériels aient perdu le nord.
II
(17/07/08)
Après ce rappel de la situation concrète et présente de la question psy en France, dont bien des éléments laissent penser que la crise créée par Bernard Accoyer et ce qui s' inscrit dans ce type de raisonnnement infalsifiable, (le discours du maître ne s'embarrasse pas d'un rapport constant et déterminé avec la vérité qui seul permet la formation du jugement solide), ne cessera pas de sitôt, et ce, quelques soient les réécritures successives des décrets d'application et autres arrêtés qui y sont appendus, quelque soit le moment où cette écriture en folie s'arrêtera pour publication et application des décrets. Certes François-Régis Dupond-Muzart nous a amplement fait la démonstration qu'il n'y avait qu'une lecture possible de cet amendement, et que par conséquent, les décrets d'application devraient d'autant moins poser de problèmes ou de questions qu'il serait avéré qu'ils soient destinés à offrir de meilleures garanties de qualités de formations des psychothérapeutes, et de meilleures garanties offertes au public d'une protection effective contre les praticiens abusant du transfert pour des raisons idéologiques ou névrotiques, la passion de l'argent n'étant guère la plus représentative des glissements de sens de la vocation, puisqu' un rapide examen des revenus des praticiens démontre amplement que n'importe quelle profession est préférable à celle de psy lorsqu' on souhaite s' enrichir, surtout sans trop de fatigue.
L'état réel de la formation des psychanalystes se trouve très loin au dessus de toutes les exigences jusque-là formulées pour l'obtention du titre de psychothérapeutes, il suffit d'observer les réactions des organisations de psychologues pour s' apercevoir que ce qui est renvoyé aux rédacteurs de ces décrets et arrêtés travaillant dans les différents services ministériels, c'est qu' invariablement ces décrets ne serviront qu' à faire baisser la qualité des services de psychothérapie dans un contexte où il n'y a par ailleurs pas à se glorifier, [une erreur de frappe m' a d' abord fait écrire « se gorifier » ; je le signale à l'attention des lecteurs un peu informés], du sérieux des formations dispensées.
Le moindre examen de l' offre de formation en matière psy, pour autant qu'on veuille bien ne pas trop se demander ce que signifie exactement ces termes « d' offre de formation » , conduit à conclure qu'en dehors de l'Université, (de psychologie ou du département de psychanalyse malheureusement unique) , et de quelques organisations de psychothérapeutes qui ne se contentent pas de quelques week-ends dans les prés, ainsi qu'en dehors des effets de formation produits conjointement par la psychanalyse personnelle et la fréquentation studieuse des associations de psychanalyse où l'on travaille beaucoup et en permanence, il n'existe rien d'assez considérable pour occuper plus que quelques centaines d' heures l'attention d' un sujet soucieux de se former à quelque chose. Et rien ne dit, évidemment, que ces quelques centaines d' heures transmettent un savoir nécessaire et suffisant.
On ne peut donc conclure qu' une seule chose : c'est que les différents services ministériels, pour plonger comme un seul homme dans la même erreur d' appréciation, et revenir invariablement dans les mêmes ornières dont les « psys » sont quittes de toute accusation de les y avoir invités ou poussés, sont nécessairement contraints de se plier à des consignes venues d' on ne sait où, de se plier à une cohercition qui submerge leurs capacités à anticiper et à corriger les effets pervers qui suivraient la mise en application des dernières écritures fournies. Et pire, en eux-mêmes, ce décret adjoint à ces arrêtés crée de fait une situation où le transfert au psychothérapeute, sur lequel repose la capacité de son action, se voit d' emblée amenuisé, dès lors que soumis à des conditions administratives, et dès lors que le savoir lui-même faisant office de contenu de sa matière serait défini par voie administrative : peut-on administrer le savoir sur le sujet comme l'on administre les sommes allouées aux thérapies ? C'est le pari fait par cette « voix venue d'en haut », qui dicte ses conditions et sa théorie de la conduite humaine, sans la moindre référence à quelque culture que ce soit de la question. Un tel savoir est un savoir fou. De cette mégalomanie ne sortira rien qui vaille qu'on se forme à l'appliquer. Quant aux demandeurs de psychothérapies, pour autant qu'il leur reste un rien de raison, il est prédictible qu'ils fuiront à grands pas ces psychothérapeutes d'Etat. Il serait bon que les différents « acteurs » sur le terrain en prennent la mesure de manière anticipative.
III
(suite et fin 21/07/08)
J'en viens enfin à ce qui fait proprement le propos de ce billet. Chacun se rend bien compte qu' il est actuellement difficile à une chatte d' y reconnaître ses petits. La seule évidence c'est que les services ministériels, après avoir promené les uns psychothérapeutes comme les autres psychologues ou psychanalystes durant plus de quatre ans, en reviennent à leurs positions de départ, très rigides et sourdes à toute argumentation raisonnée ; l'on garde l'impression que les ministères détiennent dès le départ une vérité ineffable sur la question, qui leur vaut de pouvoir s' abstenir de prendre le moindre avis auprès des quelques centaines de personnes qu'on peut estimer capables de fournir des éléments de réflexion dans ce domaine, et permettre une approche tant soit peu éclairée ; mais il nous faut comprendre que la clarté des lumières dont dispose abondamment nos ministères efface les autres et les chasse dans l' ombre ; il nous faut également comprendre que nos esprits sont trop misérables pour être accessibles à ces clartés qui aveuglent nos rédacteurs de décrets et autres arrêtés.
De manière collatérale, les enseignements dans les facultés de psychologie sont charcutés à la mode cognitiviste, cette mode qui ne retient de l' intelligence que la capacité de répétition au détriment de la construction du raisonnement argumenté ; où un petit nombre de vérités intangibles sont déclarées taboues, inamovibles, parce qu' occultation nécessaire à la construction d'une théorie tautologique, d'une part, et parce qu' impossible à amener par argumentation raisonnée, d' autre part.
Ces vérités sont qu'il serait possible et nécessaire d'exclure la subjectivité des sujets qu'on examine à l'aide de méthodes introspectives projetées ; que les pensées sont des objets observables par des techniques d' imageries, (quoique celles-ci restent pour une bonne part à inventer); cette école de pensée se résume à un rejet des connaissances et des analyses antérieures, pour poser la fiction d'un homme nouveau, constructible selon des plans prédéterminés politiquement pour un bien évanescent, mais certainement pas neutre d'un point de vue politique ; il n' y a pas lieu d'un effort démesuré pour reconnaître le trait unaire des systèmes totalitaires ; il convient d'y reconnaître un reste, un reste emmagasiné, engrammé, un reste résistant, un reste de la « révolution nationale » du Maréchal Pétain, en harmonie avec les systèmes autoritaires au pouvoir dans d'autres pays européens alors, Allemagne, Italie, Espagne, Union Soviétique : il convient d' y reconnaître le reste macéré du cadavre de ce rêve d'union du peuple dans l'identification au chef, qui a nourri les charniers du siècle passé, et continue, bon an mal an, sa lente traversée des continents, infligeant la ruine de tous les espoirs d'une vie vivable.
Autant cette origine fantasmatique explique les difficultés de la gauche à se positionner face à cette attaque contre la situation républicaine, du fait de sa participation jamais dénoncée à ce rêve de l' homme nouveau, -à cet avatar du sauveur au moment historique de la détumescence du christianisme dans la représentation politique-, autant la texture même -fantasmatique- de cet homo cognitionis en fait la grimace, le pendant, l' inverse symétrique de l' homme de science. L' homme du temps de la science, alors, ce sera l'ignorant, fidèle à sa foi dans l' expression parlée de son maître, apprise par annonnement auprès de tous les systèmes de médias dont il convient de ne pas s' éloigner pour n' en perdre aucune nuance : et nous nous trouvons là face à la complexité diabolique qui fait du maître la marionnette du propriétaire, dans cette situation où le capitaliste a trouvé cette ruse pour accaparer le pouvoir en substituant la violence symbolique à la violence réelle. Ne restent pas moins prévisible des effets de déferlement de cette violence incalculable parce qu' omniprésente; elle forme le tissu même où se joue le déroulement du texte de la vie sociale. Comment croire que ces enchaînements soient dénoués de toute logique et que les conséquences des décisions apparemment immotivées soient imprévisibles ? Il ne suffit en effet pas de révoquer Lacan et ses enseignements dans tous les lieux où ils se sont établis par nécessité de fait, institions de soins, hôpitaux, lieux d'accueil, et surtout, universités...
Personne aujourd' hui ne sera assez contrariant pour réfuter que dans ses positions actuelles, le gouvernement cherche à prendre la direction des universités pour orienter lui-même la direction des recherches se fondant sur une notion préétablie qui assimile vérité à science et résultat à finance : il n' est pas nécessaire d' être très ferré pour constater que c'est le fondement même de l'université qui s'en trouve sapé : les sapeurs minent les fondements de la science qui procède de la reconnaissance de la vérité pour extraire la réalité d' une masse de mythes et autres rêves dilatoires, pour les remplacer par des bricolages qui leur semblent plus solides, la croyance du chef unifiant le peuple pour lui donner sa réalité. Il y a là une régression symbolique dont nul ne sait aujourd' hui par quel effet la société se sortira de ce délire passionnel à visée collectiviste.
Conclusion
« En effet, le moment est arrivé de donner une réponse sur le registre universitaire, et depuis l’Orientation lacanienne, aux problèmes actuels qui ont vu le jour en Europe à partir des tentatives de réglementation du monde “psy” et des psychothérapies. » Ce qu'écrivait Miquel Bassols dans le communiqué ci-dessus se trouve ainsi justifié.
Bien que la question de la place de la psychanalyse à l'université n'ait cessé depuis cent vingt ans de rester une question ouverte, (voir par exemple l'article de Myriam Mitelman sur Buvard & Désencré), il ne fait pas de doute que si l'université publique se trouve à présent dans l' incapacité technique de soutenir un enseignement cohérent de la matière psychanalyse, ce que je ne regrette pas moins que mes collègues universitaires, c'est à présent à une université privée de prendre le relai, au moment ou au moins quelques sociétés de psychanalyse ont pris acte d' une situation politique et de ses conséquences dans les enseignements à l'Université, notamment dans les facultés de psychologie où les freudiens sont en butte à la fermeture de leurs enseignements au moment où les étudiants se bousculent pour en demander davantage, où on leur répond en leur assénant du cognitivisme, qu'ils reçoivent comme le lait amer d'un sein tari, sans que les cognitivistes en sachent percer la cause et en corriger l'effet, qui selon eux devrait se situer tout bonnement hors-sujet.
Il se trouve que cette initiative se trouve avoir été prise dans le champ freudien, et plus précisément en tension dans l'orientation lacanienne. Je pense qu' aucun psychanalyste n' aura le coeur de simuler la surprise ou de s' en indigner. Peu d' entre eux perçoivent déjà la différence topique entre la psychanalyse à l'université et une université de psychanalyse. C'est une différence fondatrice d' un renouveau de l'enseignement clinique qui a pâti, depuis plus de trente ans, de la guerre interne sournoise menée par les éléments les moins érudits de l' enseignement clinique, -cela, aucun étudiant ne le contestera, après seulement trois mois passés en première année de psycho, (beaucoup se défaussent de leur carte d'étudiant par déception, voilà le tri opéré par le cognitivisme)- .
Toutes les difficultés inhérentes à une telle entreprise sont réunies dans l'incomplétude même de la gens analytique ; les différentes associations seront-elles suffisamment lucides pour apporter leur soutien ou participer à ce projet qui pourrait ou sans doute devrait laisser place à l'exposition de toutes les théorisations en construction, au-delà de l'enseignement de l'histoire de la psychanalyse ou de l'épistémologie freudienne ? Je ne le sais pas, il faudra sans doute de nombreux mois et que beaucoup de dialogues se nouent pour que s' édifie cette Université qui est proposée là à l' attention de toutes les parties intéressées.
Je pense simplement que les associations qui souhaitent que la psychanalyse s'arrête avec leur propre génération s'abstiendront même de réagir autrement que par ricanements intermittents. J' ajoute à cela que cette Université par sa seule existence réarticulera de manière plus réaliste les rapports de la psychanalyse et de la médecine, et au-delà de cela et par ce biais, de la science et de la réalité. Là est l'enjeu de cette proposition que j'accueille avec soulagement et à laquelle je vous demande de bien vouloir réfléchir.
Merci de votre attention,
DK
Publié par Didier Kuntz à mercredi, juillet 09, 2008 0 commentaires
Libellés : politique de la psychanalyse, psychanalyse à l'université, psychanalyse lacanienne, rupture épistémologique, universalité